18 juin 2007

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Bonne lecture !

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Killian leva les yeux vers les spots lumineux qui éclairaient le plafond du bar. À ses côtés, le verre vide d'Octavius semblait le narguer, comme pour lui dire que oui, la personne qui l'avait traîné ici en lui affirmant que ça allait être cool et qu'ils passeraient un bon moment l'avait bel et bien abandonné.

En vérité, Killian voulait bien admettre qu'il s'en était douté, en lisant le message de son ami quelques heures plus tôt. Octavius lui disait toujours les choses au dernier moment, puis se ramenait chez lui en lui ordonnant de s'habiller correctement. Cette fois, ça avait été à cause d'un groupe pas très connu qui se produisait dans un bar à l'autre bout de la ville : une annonce sur une page Facebook, et Octavius Vasilis ne tenait plus en place.

(Irritant, arrogant, et particulièrement insupportable lorsqu'il avait une idée en tête : Killian ne demandait pas grand-chose, simplement qu'on le laisse jouer au basket à la tombée de la nuit ou encore que son ami ne s'approche pas de son appartement après vingt heures du soir, sauf avec un pizza.)

Donc, pas vraiment de surprise à ce qu'il l'abandonne aussi lâchement, sitôt son verre terminé : le groupe était arrivé, et à présent Octavius était collé à la scène, ayant dégagé tout le monde de son passage.

Killian soupira lourdement, puis fit signe au serveur de l'autre côté du petit bar.

— Je pourrais en avoir un autre ?

Il pointa son verre du doigt, et l'homme hocha la tête. Tant qu'à rester là pendant encore un moment, autant le faire avec une dose raisonnable de courage dans le sang. Jusqu'à devenir complètement pété, si sa situation et son ennui continue à dégringoler dans l'échelle de l'acceptable.

D'un regard presque intéressé, Killian se retourna lentement pour regarder la scène. Un groupe normal, avec un air un peu rock, un batteur énergique et une chanteuse à la voix rauque. C'était agréable à entendre : rien de vraiment particulier, mais rien d'insupportable non plus. Il y avait une petite foule, et tous ces gens semblaient ravi d'être là (ou alors simplement bourrés et heureux). Ils avaient l'air de bien s'amuser, en tout cas, et Killian attrapa le verre qu'on venait de lui donner pour le boire du bout des lèvres.

S'il restait là à ne rien faire, la soirée allait être longue.

— Cette place est libre ?

La voix qui attira son attention venait de sa droite, et en se tournant il fut étonné de constater que c'était bien à lui qu'on s'adressait. Le bar n'était pas rempli, loin de là, et les places au comptoir étaient nombreuses : plus de la moitié des sièges étaient vides.

Pourtant, le mec qui attendait, debout dans la chaise vide sur laquelle Octavius s'était assis un peu plus tôt (un shot, deux shots, et un dernier avant de foutre le camp), le regardait bien dans les yeux et attendait une réponse.

— Euh, oui ?

— T'as pas l'air sûr.

— Si, si. Elle est libre.

Killian pensa que si Octavius voulait revenir, ce qui avait peu de chance d'arriver vu qu'il allait très certainement essayer de se glisser dans les coulisses après le concert, il n'aurait qu'à se trouver une autre place. Ou s'asseoir par terre.

Le nouveau venu le fixa quelques secondes encore, avant de finalement hausser les épaules avec un air amusé et s'asseoir sur le petit tabouret. Il regarda le serveur, commanda une boisson que Killian ne connaissait pas (sûrement un cocktail coloré avec peut-être même du sel ou du sucre sur le rebord), puis repoussa le verre vide d'Octavius qui n'avait pas encore été ramassé.

Quand il se retourna à nouveau vers Killian, son sourire ressemblait plus à un rictus qu'autre chose.

— Toi, dit-il et Killian haussa un sourcil. T'as la tête de quelqu'un qui s'est fait traîné ici.

Il récupéra son verre sans lancer un seul regard au barman, puis pointa le groupe du doigt.

— T'as un pote qui joue, ou un truc du genre ?

— Nan, pas vraiment. J'ai plutôt un pote qui voulait voir ce groupe. Apparemment, le batteur est un ancien ami à lui qu'il a perdu de vue, et il voulait quelqu'un pour l'accompagner alors...

Killian ne se souvenait plus vraiment du nom de celui dont Octavius lui avait parlé pendant tout le chemin jusqu'ici : son meilleur ami pendant toute son enfance, puis ils s'étaient perdus à la fin du collège, quand Octavius avait déménagé.

En voyant le post qui était apparu dans son fil d'actualité Facebook, Octavius s'était presque rué dans son dressing pour choisir ses vêtements.

— Ouais, je vois. Il t'a abandonné, en fait.

Killian grimaça et but une nouvelle gorgé.

— Et toi ? T'as aussi la tête de quelqu'un qui se serait fait traîner là, je te signale.

En première année à la faculté du coin, Killian n'avait pas vraiment eu le temps de visiter quoi que ce soit, ou de faire d'autres connaissances. Sa vie se résumait malheureusement à Octavius Vasilis, avec qui il était au lycée, et à ses premiers devoirs à rendre. Son ami, en revanche, semblait être devenu ami avec la moitié de la fac, ce qui avait le don de le rendre fou. Une discussion avec un voisin en cours, et on finissait toujours par lui demander « Oh, mais t'es ami avec Octavius, non ? ». A quel moment était-il devenu le Messi ?

— C'est un peu le cas. Ma meilleure amie voulait aussi voir ce groupe, et comme on connaît encore personne...

Leurs regards se croisèrent, et Killian haussa un sourcil.

— Au fait, c'est quoi ton nom ? demanda l'autre.

— Killian Martin. Et toi ?

— Blaize De Luca.

Quand ce dernier lui tendit la main, Killian n'y pensa même pas à deux fois : il la prit et déclara un « ravi de te rencontrer » du bout des lèvres.

Cette soirée, finalement, fut bien plus intéressante que prévue. Il y eut des verres remplis d'alcool, des « comment ça tu connais pas ce cocktail ? Les paysans, je vous jure », des « ton ami c'est pas celui qui vient de monter sur la scène pour sauter sur le batteur ? », des « t'es plutôt sympa, dans ton genre, même si franchement ta coupe de cheveux est à chier. C'était à la mode dans ta campagne ? ». Il y eut aussi quelques « arrête de me proposer des boissons, tu veux me bourrer ou quoi ? », des « tes cheveux, c'est une coloration ? Pourquoi tu mets autant de gel ? » et des « bien sûr que ce short est à moi, et encore t'as pas vu le reste de mon armoire, heureusement que j'ai convaincu Octavius de pas y mettre le feu ».

Et pour finir, un chuchotement à l'oreille, un frisson avec des joues rouges, un échange de regards, et un « ça te dit qu'on s'éloigne un peu ? Tous les deux ? Ton pote a plus besoin de toi, si ? ».

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Un jour à la foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant