Chapitre 5

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Onze ans plus tôt

Dernière année de lycée, avec mon meilleur ami, nous attendions l'heure devant la grille. Mon attention se posa sur une jeune femme, brune aux cheveux longs attachés en chignon. Son visage au teint de porcelaine m'attira tout de suite, ses traits étaient fins. Elle était enjouée, en se reprochant de nous pour entrer dans l'établissement, j'eus le temps de me noyer dans ses yeux bleus tirant légèrement sur le vert. À notre hauteur, elle croisa mon regard, et je lui souriais en lui adressant un clin d'œil. Elle secoua vivement la tête et s'éloigna. Paul me frappa dans les cotes avec son coude pour me faire réagir.

— Ohé Sam ?

— Quoi ? râlais-je

— C'était qui ?

— Je n'en sais rien, mais je vais bientôt le savoir. Viens, on est à la bourre.

Assis à nos places, au fond de la salle, nous discutions en attendant notre professeur. À nouveau, cette fille se retrouva dans mon champ de vision. Je lui adressais encore une fois un grand sourire auquel elle ne répondit pas et s'installa tout devant.

— Je suis dans la merde Paul !

— Pourquoi qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— Je crois que je suis amoureuse !

Mon ami éclata de rire provoquant le retournement de nos camarades dans notre direction. Et à nouveau, je sentis le regard glacial de cette nouvelle élève...

— Tu es autant amoureuse que moi je suis hétéro ! pouffa-t-il.

— Tu es vraiment con quand tu t'y mets !

Chaque jour, je tentais un rapprochement, avec un sourire, ou bien un clin d'œil, et toujours j'avais le droit à la même réaction. Pourquoi cette fille m'ignorait-elle à ce point... La seule chose que je connaissais à son propos était son prénom : Oxane. Alors pourquoi me perturbait-elle autant ? Pourquoi je voulais en savoir plus ? Pourquoi plus rien n'existait-il autour ?

Mon meilleur ami se moquait régulièrement de moi, comme ce fameux matin. Notre professeur était exaspéré de nous entendre bavarder.

— Monsieur Mercier, changez de place avec mademoiselle Lethere ! Ça vous calmera un peu !

Avant de partir, Paul se tourna vers moi :

— Ne me remercie pas !

Enfin, j'allais pouvoir tenter un rapprochement avec cette fille qui accélérait mon rythme cardiaque à chaque regard. En se dirigeant vers moi, son visage était totalement fermé. Je n'avais aucune idée de comment entamer la discussion. Alors comme à mon habitude je lui fis mon plus beau sourire. Espérant que cette fois-ci, elle se détende un peu.

— Tu n'as pas autre chose à faire ? râla-t-elle

— Comme ?

— Étudier ! Arrêter de faire l'idiote par exemple...

Touchée, rien n'était gagné avec elle. Et apparemment, elle avait une très mauvaise image de moi... Je n'avais effectivement rien de l'élève modèle contrairement à Oxane. Je demeurais tout de même dans la moyenne. Je devais réagir, c'était la seule occasion pour moi. Persuadée que si j'en restais là, je n'aurais pas pareille opportunité.

— Ce n'est pas très sympa ! Qu'est-ce qui fait d'une aussi jolie fille un bloc de glace ?

— Je te demande pardon ?

— Et bien, tu n'es pas vraiment un exemple d'amabilité... Je ne suis peut-être pas une élève parfaite, mais je connais la politesse !

Belle, mais rien de plus, elle était agaçante. Une vraie petite peste... Pour l'approcher, c'était foutu, mais sérieusement je n'allais certainement pas m'écraser devant elle. À mes paroles, elle se tourna dans ma direction, et ancra ses yeux dans les miens. Et de nouveau, mon cœur en faisait qu'a sa tête. Je détournais difficilement le regard, tentant de me concentrer sur le cours. Au bout de quelques minutes, ma voisine reprit :

— Je suis désolée... On peut recommencer à zéro ?

Sans un mot, mes commissures de lèvres s'étiraient pour lui offrir un magnifique sourire et pour la première fois elle me le rendit. Belle était un bien faible mot, splendide me semblait plus adapté. Sans la connaitre, elle avait volé mon cœur. Je me perdais complètement dans ce bleu qui m'électrisait.

— Tu es vraiment plus jolie quand tu ne boudes pas...

— Serais-tu en train de me draguer ?

— Uniquement si tu le souhaites !

Ses joues prirent une teinte rosée. Ils eurent raison de mes derniers doutes sur l'effet que je lui provoquais. Le reste du cours se passait dans le silence, entrecoupé seulement par le bruit de nos stylos qui frottaient le papier. Plusieurs regards, plusieurs sourires avaient été échangés. C'est ainsi que débutait notre relation, ce n'est que quelques jours après qu'Oxane répondait à mon baiser, pour mon plus grand bonheur. Mon comportement aussi avait changé. Je devenais plus sérieuse, je travaillais plus et augmentais nettement ma moyenne. Je souhaitais être à sa hauteur, pour que jamais elle ne puisse s'ennuyer à mes côtés. Nous avions finalement fait nos études supérieures ensemble, et ne nous étions plus jamais quittées. Dès notre rencontre, je l'avais aimée. Elle était contre toute attente une femme douce et attentionnée qui répondait avec la même force à mon amour. 

Le jour où je l'ai perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant