Chapitre 6

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Devant la télévision à attendre l'arrivée de mes parents, je repensais à toutes ces années passées. Onze ans s'étaient écoulés et pourtant, nous étions toujours aussi proches. Constamment à la recherche du contact de l'autre. Il y a encore un an, je me disais que je vivrais ma vie à ses côtés, que rien ne nous séparerait... Si vous saviez à quel point je me trompais. Quel que soit le temps qu'il nous restait, j'aurais aimé les passés en profitant de chaque instant, sans laisser la colère, la tristesse prendre le dessus, mais je n'en avais pas la force.

Comment cette femme dans mes bras pouvait-elle garder le sourire en toute circonstance ? Je déposais un tendre baiser sur son front tout en la serrant un peu plus fort contre moi.

— Je t'aime tellement mon amour...

— Je..., je t'aime aussi mon ange, répondit-elle d'une voix enrouée.

Depuis quelques jours, sa voix se transformait, le médecin nous en avait parlé. Il appelait ça la dysphonie. Bien qu'étant au courant, je n'avais pas pu m'y préparer. La voix douce et chantante de ma compagne avait disparu maintenant... laissant place à un timbre plus rauque. Son corps aussi avait fini par changer. Sa maigreur me faisait parfois pâlir. Elle ne se nourrissait que très peu, prétextant que ça ne passait pas... La dysphagie était également un des symptômes de sa maladie. Malgré tout, chaque jour je la voyais lutter, augmentant toujours plus l'admiration que je lui portais.

Dix-huit heures, la sonnette retentit. Je m'empressais d'aller ouvrir et d'embrasser mes parents. Une soirée tranquille nous ferait le plus grand bien. Ma compagne se leva difficilement, puis les salua :

— Bonjour, Erika, bonjour, Emmy, vous allez bien ?

— Plutôt bien, mais c'est à toi qu'on devrait le demander !

— Je vais bien. Un peu fatiguée, mais c'est normal.

Nous finissions dans le salon pour prendre l'apéritif. Un pinot noir, vieille réserve, pour tous sauf Oxane qui ne pouvait plus boire d'alcool, elle se contenta d'un jus d'ananas. Tous les sujets de discussion y passaient, en dehors de celui que tout le monde souhaitait éviter le plus possible. Surtout moi, je refusais catégoriquement de le mettre sur le tapis. Nous annoncions la bonne nouvelle à mes parents, elles étaient vraiment heureuses pour nous. Elles voulaient m'aider dans les démarches ainsi que financer une partie du mariage. Lors du repas, après seulement quelques coups de fourchette, ma compagne s'excusa auprès de nous, elle désirait aller se coucher.

— Tu ne veux pas manger encore un tout petit peu ma puce ? réclamais-je

— Je n'ai plus faim, je suis désolée, mon ange... Mais c'était très bon !

Elle embrassa mes mamans puis me déposa un tendre baiser sur mes lèvres. Puis elle s'éclipsa, nous laissant entre nous.

— Comment va-t-elle ? demanda Erika.

— Je crois que... ma voix se brisa et les larmes refirent surface. Je crois qu'elle le vit mieux que moi. Je ne sais pas comment l'aider ! C'est de pire en pire et je ne peux rien faire... Et maintenant, elle n'a qu'une chose en tête, elle veut me dénicher une petite amie... Comment je suis censé réagir ?

En déposant une main sur la mienne, ma maman Erika tenta de me calmer, mon autre mère, elle ne trouvait tout simplement pas de réponse. Seul son regard triste se mêlait au mien.

— Laisse-la faire, ça la rassure, je pense... Et puis tu vas avoir besoin de beaucoup de soutien... Essaie de les voir plus comme des amies qu'autre chose. Nous serons là toute la semaine pour t'aider dans les préparatifs. Est-ce que vous savez ou vous voulez l'organiser ?

— Je lui ai dit que je m'occupais de tout, mais... je souhaiterais tellement subsister à ses côtés... Je ne sais même pas par quoi commencer.

— Écoute ! Nous sommes en retraite maintenant, alors occupe-toi de vos tenues et des invitations, nous ferons le reste de notre côté. répliqua Emmy

— Je ne peux pas vous laisser tout faire, ce n'est pas juste.

— Et si ça nous fait plaisir, ça pourrait être notre cadeau, confirma Erika

— Je vous aime.

Elles me submergeaient de questions, sur nos envies, le nombre de personnes que nous souhaitions inviter, si nous préférions la nature, les genres de fleurs qu'on aimerait, mais également sur le repas, la musique, le thème. Toutes ces choses auxquelles je n'avais pas pensé et qui maintenant me paraissaient insurmontables en si peu de temps. Je leur fis part de la possibilité que les parents d'Oxane veuillent participer aussi. Emmy les contacterait demain soir, pour nous laisser leur annoncer la nouvelle avant.

Vers vingt-deux heures, je me retrouvais seule, j'en profitais pour me laisser aller, en débarrassant la table, j'éclatais en sanglots. J'expulsais toute ma frustration, tout ce que je retenais en présence de ma compagne. Je refusais de lui montrer mes faiblesses, elle avait bien assez de choses à porter. Après une bonne douche, je rejoignis ma future femme, en silence, je levais les draps pour me caler au plus près de celle-ci.

Le jour où je l'ai perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant