Chapitre 6

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Le bus galactique avait atterri sans encombre sur la planète Blesia. Chacun des joueurs avait pu assister à cet évènement dans la salle dans laquelle ils devaient s'harnacher sur des sièges spécifiquement dédiés à cet usage. Chacun avait apprécié le spectacle à sa manière. L'arrivée des joueurs sur cette planète se fit doucement. Ils prirent le temps d'admirer les paysages verts, la faune et la flore luxuriante qui régnait en maître. Les habitants, très proches du végétal, étaient d'une gentillesse sans égale, à tel point que le cœur de Munemasa se réchauffa un peu, lui rappelant à l'esprit que tous les adultes n'étaient pas forcément comme son oncle. Certains se retournèrent parfois cependant sur son passage, sans qu'il ne comprenne pourquoi. Néanmoins, il choisit de mettre ce détail de côté. Tout ce qu'il retint, c'est que lui et les autres furent accueillis chaleureusement par les autochtones.

Le terrain d'entraînement qui leur avait été réservé était très bien situé, au milieu d'une plaine entourée de fleurs colorées, avec un petit bâtiment à côté, les vestiaires accompagnés de leurs toilettes. Son emplacement était idéal pour permettre de s'entraîner en toute sérénité. C'était l'effet que cela faisait à tout le monde, sauf à Ibuki, pour qui ce moment qui arrivait était source d'appréhension. Il était honnête avec lui-même et savait qu'il avait peur. Peur d'avoir perdu tout ce qu'il savait faire autrefois au niveau du football. Peur que l'on voie ses marques. Peur d'être jugé. Peur de s'évanouir en plein entraînement. Car oui, c'était possible. Il le savait. Il connaissait ses limites. Son corps se remettait lentement des sévices qu'il avait subis. Munemasa était donc assez fragile physiquement, en ce moment. Un entraînement n'allait pas arranger les choses. Mais bon, il avait accepté cette proposition de partir avec l'équipe, alors il devait assumer, même si la raison pour laquelle il avait fait cela s'appelait Emiko.

Alors que tout le monde allait se changer dans les vestiaires, Ibuki choisit de faire cela aux toilettes. Lorsqu'on lui en demanda la raison, il prétexta être devenu assez pudique avec le temps ce qui, en soi, n'était pas faux. Ses blessures le faisaient avoir honte de son corps. Il avait honte. Mais bien vite, Munemasa se rappela d'un détail en enfilant le maillot. Un détail qui le rendit nerveux. Le bas de l'uniforme de l'équipe étant un short, l'on pouvait voir les jambes du gardien, le problème étant qu'il avait quelques bleus et cicatrices sur celles-ci. Heureusement pour lui, ils étaient beaucoup moins nombreux que sur ses bras et son torse. Il trouverait facilement une excuse adéquate. Et c'est ce qu'il fit lorsqu'il rejoignit ses amis sur le terrain. Il inventa s'être blessé à vélo sur un terrain accidenté. Pour les cicatrices, il dit simplement ne pas s'en souvenir, cela datant de trop longtemps. Tout le monde le crut, exceptés Matatagi et Shindou, comme toujours. Ce dernier avait jeté un œil au cou d'Ibuki, mais celui-ci était dissimulé par le col haut du maillot de Earth Eleven. Il pesta. Pour une fois que le gardien ne portait pas son foulard habituel...

[...]

L'entraînement se déroula correctement et l'entente entre tous les joueurs était bonne. Il n'y avait aucune tension, et chacun allait à un bon rythme. Le seul qui tentait de suivre comme il pouvait mais qui avait du mal, c'était Ibuki. Certes, son corps se remettait petit à petit, mais ce n'était pas suffisant pour autant. Physiquement, il prenait cher. Lui qui, d'ordinaire, faisait tout pour limiter l'ampleur de ses mouvements de manière à pouvoir « maîtriser » son niveau de douleur ne pouvait rien faire d'autre que de subir sans rien dire ni rien montrer. Il profita néanmoins de chaque moment où on ne lui demandait pas de bouger pour reposer ses membres endoloris en se concentrant pour oublier sa souffrance perpétuelle. Il ne fallait pas oublier que le jeune homme avait à peine commencé à rattraper un peu de sommeil. Le tout n'alla pas en s'arrangeant. Au fur et à mesure que le temps passait et que l'entraînement continuait, le corps de Munemasa faiblissait. Au bout d'un moment, le gardien se sentit tellement mal que sa vue se flouta, petit à petit. Plusieurs fois, il manqua même de s'évanouir, si bien que la pause fut la bienvenue pour lui.

Ibuki profita de cette pause comme jamais, s'asseyant sur le banc, se reposant autant que possible en buvant beaucoup d'eau. Il s'était un peu surestimé et ne tenait pas du tout ce premier entraînement. Ses blessures n'étaient pas très graves, mais il avait oublié qu'il devait se ménager. Mais avait-il seulement le choix ? Ibuki soupira. Ce tournoi allait s'avérer compliqué. S'il ne tenait pas la cadence correctement, son secret finirait par être révélé. Plus embêtant encore, il risquait d'être un poids pour son équipe.

Cependant, le sort joua pour une fois en sa faveur. En effet, à peine l'entraînement avait-il repris qu'il fut stoppé, la pluie se mettant soudainement à tomber. Et Ibuki esquissa un sourire pathétique. Il était rare que le hasard aille en son sens, comme si les aléas de la vie cherchaient eux-mêmes à l'aider à supporter sa vie de merde. Sa vie dans laquelle il était coincé, sans espoir de s'enfuir.

[...]

Le midi, toutes les places autour de la table furent remplies, sauf une. Munemasa n'était pas venu manger, trop fatigué pour cela. Il avait spécifié à Tenma qu'il avait besoin de se reposer un peu. Et c'était vrai. Après l'entraînement, Ibuki avait profité du fait que tout le monde se changeait pour se doucher rapidement avant de retourner au bus. À peine eut-il pénétré dans sa chambre qu'il s'allongea sur le lit, sur le ventre. Il poussa un soupir d'aise. Qu'il était bon de se poser après un effort conséquent, voire douloureux. Il ne lui fallut pas plus de trois minutes pour s'endormir.

Du côté de la cafétéria, la majorité joueurs commençaient à se poser des questions. Les réguliers petits sommes de Munemasa leur paraissaient un peu trop nombreux. À leur âge, on pouvait être fatigué, mais tout de même, à ce point ? Quelques suspicions naissaient, petit à petit et pas seulement de la part de Matatagi ou de Shindou. Cependant, à la différence de ces deux-là, leurs coéquipipers se disaient naïvement qu'Ibuki finirait par leur parler.

[...]

Dans l'après-midi, Emiko vint le voir alors qu'il était assis sur un banc, à l'extérieur du bus, le temps s'étant éclairci. Elle était inquiète et cela se voyait. Munemasa l'invita alors à s'asseoir près de lui, la laissant venir se coller. D'un bras, il entoura ses épaules. La petite ne chercha pas à tourner autour du pot et lui dit directement ce qui la troublait. Elle avait assisté à l'entraînement de cette matinée et n'était pas aveugle. Ibuki comprit alors ce qu'elle voulait dire et décida de maquiller un peu la vérité. Il lui dit alors que reprendre le football après toutes ces années sans faire de sport, c'était compliqué. Le fait qu'il soit blessé n'arrangeait, certes, pas les choses, mais ce n'était pas la raison principale de son mal-être clairement visible durant l'entraînement. En réalité, c'était effectivement le cas, mais il ne devait pas inquiéter Emiko plus que nécessaire, alors il valait mieux changer un peu les choses. Le pire était que la petite fille gobait ses mensonges sans douter une seule seconde de la véracité de ces informations. Munemasa préférait la rassurer. À son âge, elle n'avait pas à angoisser autant. Il fallait qu'elle se répare et qu'elle puisse profiter un peu de la vie sans se soucier de son pitoyable cousin. Ce qu'il avait ne regardait que sa propre personne. S'il avait mal, s'il avait peur, le jeune homme ne pouvait faire autrement que prendre sur lui. Emiko, elle, ne le devait pas.

Après tout, elle avait toute la vie devant elle.

[...]

Cette fois-ci, Munemasa ne pouvait pas s'échapper. Toute l'équipe s'était mise d'accord pour regarder un film en particulier, Aquaman. Sakura l'avait harcelé pour qu'il vienne le regarder avec eux, lui disant que cette fois, il n'avait aucune excuse. Alors, il avait bien été obligé d'accepter, surtout qu'Emiko lui avait lancé un regard suppliant avec ses yeux de biche d'enfant. Impossible de résister. Puis, une soirée film était quelque chose de normal, en soi. Et vivre quelque chose de normal ne lui ferait pas de mal, bien au contraire. Il prit place sur l'un des canapés, entre Emiko et Sakura et son regard fut happé dès les premières images du film.

Ibuki se délecta de cette soirée on ne peut plus banale, mais reposante.

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