Chapitre 13 - page 1

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À l'étage du manoir, dans la chambre du maître, le Vicomte avait enfin retrouvé ses esprits, après une bonne demi-heure passée dans un bain chaud et parfumé de magnolia et d'arnica pour soulager ses douleurs. Annita avait préparé tout cela avec le plus grand soin.

Il sortit difficilement, lorsque l'eau fut tiède. Son épaule le faisait toujours souffrir.
Une fois sec, il s'assit sur son lit et enfila maladroitement son pantalon à l'aide de son seul bras valide.

La porte de sa chambre s'ouvrit alors brusquement. Quelqu'un se précipita à l'intérieur et vint se planter devant lui, c'était Madeline. Elle avait l'air affolée, une grande inquiétude pouvait se lire sur son visage.
Elle observa le Vicomte en le détaillant, comme si elle cherchait une anomalie. Elle remarqua son bras droit immobile et fronça les sourcils, puis s'assit près de lui et toucha son épaule avec une grande délicatesse.

– Ça fait mal ? demanda-t-elle.
– Presque pas, mentit-il.

Il souffrait, évidemment, mais le contact de cette main si douce lui plaisait et il ne voulait pas que cela s'arrête.
Elle lui fit plier et déplier le bras, tâtant des os et vérifiant que rien n'était brisé.
Togänn haussa les sourcils en la regardant faire.

– J'ignorais que tu avais des connaissances en médecine, dit-il.
– J'ai lu quelques traités d'anatomie. Si je remarque quelque chose d'anormal, cela fera gagner du temps à maître Van-Helsen. On dirait que rien n'est cassé, pourtant la couleur de l'épaule n'augure rien de bon.

Elle se rapprocha, posa sa main à plat contre son plexus pour le maintenir et palpa la clavicule de son autre main.

– Rien ne semble cassé là non plus, c'est étrange.

Togänn tourna la tête vers elle, leurs regards se croisèrent. Après un bref instant d'hésitation, il s'approcha un peu plus près et l'embrassa. Madeline, très surprise, se recula. Elle prit un instant pour réaliser ce qui venait de se passer, sourit, puis se mit à califourchon sur lui et l'embrassa passionnément en le serrant fort contre elle, lui caressant le visage, puis la nuque lorsqu'il embrassait sa gorge.
Ils basculèrent à la renverse sur le lit et se déshabillèrent rapidement l'un l'autre, en continuant de s'embrasser sur chaque nouveau morceau de peau dévoilé.
Lorsqu'elle se mit sur lui, Togänn en oublia la douleur dans son épaule, à présent il ne sentait plus que le corps de Mady contre le sien, la chaleur de sa peau, la tension de ses muscles, les vibrations de ses soupirs, le goût de ses baisers.

À quelque pas de là, dans les escaliers, Annita s'en venait vers la chambre de son frère, accompagnée du médecin.

– Mademoiselle veuillez lâcher ma sacoche, je peux la porter tout seul, lui dit-il.
– Vous lambinez, donnez-moi ça et pressez donc le pas, rétorqua-t-elle agacée.
– Mais enfin c'est grotesque, je sais que vous voulez aider, mais n'en devenez pas ridicule, je vous en prie.
– Cessez-donc de bavassez et marchez plus vite, nous perdons du temps. Et prenez garde, je vous aurais à l'œil lorsque vous serrez à son chevet. Je vous préviens vous avez intérêt à bien l'examiner ! menaça-t-elle.
– Les dieux m'en gardent, depuis une demi-heure que vous menacez ma pauvre personne, je l'examinerai deux fois si cela vous fait plaisir.

Ils arrivèrent devant la chambre. Maître Van-Helsen fit un signe de halte et Annita se stoppa net en retenant son souffle.

– Je vais d'abord entrer seul, pour m'assurer qu'il est en état de supporter votre agitation.
– Maître ! Il s'agit de mon frère tout de même !
– En ce moment, il s'agit avant tout de mon patient et vous conviendrez qu'il a plus de chance de guérir entre mes mains que des vôtres, non ?

Annita ne dit plus rien et acquiesça en secouant la tête.

– Nous sommes bien d'accord, ponctua le médecin, avant d'ouvrir la porte.

À peine entré, il ressortit aussitôt en refermant rapidement derrière lui, son visage était tout rouge. Annita écarquilla les yeux en le voyant ainsi, l'inquiétude montant brusquement en elle.

– Qu'y a-t-il ? Est-il si mal en point que cela ? demanda-t-elle en se mordillant les doigts.
– N...non, je dirais même qu'il récupère plutôt vite.

Il marqua un temps d'arrêt, retira ses verres grossissants et s'essuya le front, puis les reposa sur son nez.

– Bon, reprit-il, inutile de nous éterniser. Repassons un peu plus tard pour l'auscultation.

Il saisit Annita par le bras et l'entraîna à travers le couloir. Cette dernière ne comprenait pas ce qui se passait.

– Mais que faites-vous, nous devons...
– Non, coupa maître Van-Helsen, non et surtout n'insistez pas ! Présentement, il ne peut en aucun cas nous recevoir. Nous patienterons... une petite demi-heure environs, après quoi il devrait être visible... en état de parler je veux dire. Quoi qu'il en soit, ne vous inquiétez point de son état, car je puis vous affirmer qu'il est bien loin d'être à l'article de la mort.
– Mais... vous semblez bien sûr de vous alors que vous ne l'avez vu que l'espace d'un instant. Êtes-vous bien certain de ce que vous avancez ?
– Oh oui ! Mon diagnostic est sans appel ! répondit Maître Van-Helsen en roulant les yeux.

***

Un reflet dans la lame 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant