Chapitre 8 - page 3

99 30 26
                                    

Après avoir annoncé à Ivan la nouvelle vie qui les attendait, Togänn passa voir sa sœur, puis sa mère. Toutes deux étaient déjà au courant, mais ne sachant ni l'une ni l'autre les véritables raisons de son exil, elles se réjouirent pour Togänn qui à leurs yeux prenait un poste important et des responsabilités bien méritées.
Annita, triste malgré tout, promit de lui rendre visite aussi souvent qu'elle le pourrait. La Duchesse félicita son fils pour toute la gloire dont il couvrirait le nom de leur famille.
Togänn feignit d'être heureux et enthousiaste, ce jeu fut très dur à tenir.

Après cela il se rendit au cœur de la cité, devant la porte des Merric. Là il frappa.
À son grand étonnement, ce fut Laena qui ouvrit la porte. La jeune fille, toute surprise, sortit rapidement en refermant derrière elle.

– Que fais-tu ici ? lui demanda-t-elle. Ce n'est pas prudent de venir à l'improviste.
– Je... je suis venu te dire adieu, dit simplement Togänn en tremblant.
– Comment cela adieu ? tressaillît la jeune-femme.
– Le Duc a tout découvert... et, imbécile que je suis, j'ai voulu lui tenir tête. Alors, il m'a nommé Vicomte et m'envoie au domaine Vornamswën.
– Et... où cela est-ce, Vornamswën ? demanda-t-elle la gorge serrée.
– À Rivënicès, au bord de l'océan, assez loin de toi pour que nous ne puissions plus nous revoir.

D'abord pétrifiée pendant quelques secondes, Laena éclata en sanglots et se jeta dans les bras de Togänn. Ce dernier était tellement assommé qu'il ne pleurait plus, comme si son cœur lui avait été arraché de la poitrine.

– Oh ! mon Sire, non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas que tu partes... je suis tellement malheureuse... Ne peux-tu point le raisonner ? Le faire changer d'avis ? Tu resterais ici, prendrait une épouse convenable et je te verrais en secret... Je suis prête à te partager si cela te fait rester près de moi.

Togänn en avait le cœur meurtri, Laena était vraiment désespéré pour proposer une telle alternative. Même si cette démonstration d'amour le touchait en plein cœur, il n'y avait aucune issue et il le savait fort bien.

– C'est déjà trop tard... je dois partir à l'instant. Mon bourreau a bien prévu les choses comme tu peux le voir.

Laena serra contre elle son bien-aimé aussi fort qu'elle put, incapable de le laisser partir. Il l'embrassa sur le front, dans les cheveux, sur les joues, gardant sa souffrance silencieuse.
Après quelques instants, elle retrouva son souffle et réussit à se calmer.

– Ivan part avec moi. Non content de nous séparer, le Duc va également te priver de ton frère.
– Non... je suis heureuse qu'il t'accompagne. Au moins tu auras une épaule sur qui te reposer, cela rendra ta peine moins lourde.
– Je n'en suis pas si sûr, répondit Togänn en serrant fort sa bien-aimée. Et quand bien même, toi, sur quelle épaule pourras-tu te reposer ? Tu seras seule, cela me fait encore plus mal que le reste.
– Ne t'inquiète pas pour moi, je ne suis pas seule, mes parents sont là et... si j'en suis capable... ils m'aideront à traverser cette épreuve, j'en suis sûre.

La phrase et le ton étaient peu convaincants, mais Togänn ne dit rien.
Avant de s'en aller il fouilla dans le petit sac qui pendait à son flanc et en sortit un objet rectangulaire enveloppée dans un linge.

– Tiens, je l'ai pris pour toi lorsque le maître bibliothécaire avait les yeux tournés.

Elle saisit l'objet et le retourna dans tous les sens sans le déballer.

– Qu'est-ce que c'est ?
– C'est... pour ne pas m'oublier.

Laena l'embrassa tendrement, pendant un long moment, puis lui susurra à l'oreille un je t'aime des plus doux et des plus sincères. Togänn esquissa un sourire et lui caressa la joue, puis il s'en alla lentement, le cœur gros.
Après être rentrée, elle déballa l'objet, c'était un livre. La ballade du renard, lut-elle. Elle serra le livre contre son cœur, puis pleura à nouveau.

Dans la cour du château, un attelage attendait.
Togänn arriva à sa hauteur et vit Ivan à travers les vitres de la portière. Alors il monta silencieusement.
Le cocher fouetta et la voiture s'évanouit progressivement dans l'obscurité de cette nuit sombre dépourvue de lune, en direction du nord-est.

Un reflet dans la lame 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant