Chapitre 35 - page 2

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Rivënicès, quelques heures plus tôt.

Après être ressorti de chez la couturière, laquelle s'était amusée à l'habiller avec nombre de tenues, comme l'aurait fait une enfant avec une poupée, Uther rentra chez lui vers huit heures du matin.

Sur le chemin, il avait maudit mille fois au moins la vieille Jeanne, à qui il avait fallu presque trois heures pour décider de quelle tenue s'accorderait le mieux à celle de Cathy. Et, comme cette dernière lui avait donné carte blanche, afin que tout aille pour le mieux, la couturière s'en était donné à cœur joie.

De retour chez lui, Uther déposa sur sa petite table le sac contenant sa tenue, ainsi que celle de Cathy, puis se remit au lit, bien décidé à terminer sa nuit, malgré l'énervement, le jour bien levé et la rumeur de la rue, qui s'entendait déjà très nettement.

Il tourna encore et encore d'un côté à l'autre de sa couche, se trouvant très précisément entre l'état de fatigue encourageant à rester couché et celui de l'éveil empêchant de se rendormir.

Après un certain temps, qui lui fut impossible à déterminer, il entrouvrit les yeux, épuisé et frustré de cette lutte contre lui-même.

Il fixa alors son regard dans le vide, quand ses yeux se posèrent sur sa montre, accrochée à ses chausses, qui pendait de la chaise.

(Dix heures), lut-il en soupirant, avant de refermer les yeux, puis de les rouvrir en grande hâte, lorsqu'un éclair de stupeur le frappa.

(Dix heures, fichtre ! Le crieur !), se rappela-t-il, en quittant son lit nerveusement, s'habillant aussi vite qu'il put et dévalant les escaliers comme s'il était poursuivi par quelque démon, tout en finissant d'enfiler son manteau et de mettre son feutre sur la tête.

Il courut à toutes jambes à travers les rues, bousculant quelques passants par mégarde, qui lui lancèrent des imprécations rageuses, et finit par arriver sur la place où le crieur avait, semble-t-il, terminé ses annonces, car il n'était plus là.

Uther resta figé quelques secondes, se maudissant à plusieurs reprise d'avoir oublier la seule chose importante dont il devait se soucier, mais se rassura, en songeant qu'il pourrait lire les annonces lorsqu'elles seraient placardées sur le tableau d'affichage de la place.

Mais, comme cela ne serait pas fait avant le milieu de l'après-midi, le temps que les scribes aient fait autant de copies qu'il y avait de tableaux en ville, c'est-à-dire une dizaine, l'angoisse le reprit.

Si son message était arrivé et s'il lui était demandé d'agir dès maintenant, ce serait une catastrophe.

Après avoir terminé d'y penser, il retrouva ses esprits et commença à interpeller les badauds qui s'en allaient de la place.

« Qu'a dit le crieur ce matin ? », demanda-t-il à tue-tête dans un état de nervosité qui engageait peu les gens à lui répondre.

Soit on refusait de le renseigner, le prenant pour un fou, tout agité qu'il était, soit on ne se souvenait pas.

C'est auprès d'un enfant qui jouait sur la place en lançant des cailloux contre un muret, qu'il fut le mieux renseigné. Apparemment, le crieur avait lu une annonce particulièrement bizarre, qui avait suscité l'étonnement de la foule.

– Te souviens-tu de ce que disait cette annonce ? lui demanda Uther, au bord du désespoir.

– P'têt, ou p'têt pas ! avait répondu le garçon, d'un air malicieux.

Ayant compris sans mal qu'il n'en tirerait rien s'il ne montrait pas patte blanche, Uther sortit deux sous de sa bourse et les donna à l'enfant qui répondit avec une franchise propre à ceux de son âge.

Un reflet dans la lame 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant