Chapitre 10. II.

86 21 10
                                    

L'an 1610, manoir des faucheurs, Angleterre.

Un cri étouffé déchira le silence serein de la nuit.

Valentin se redressa en sursaut, tiré de son sommeil. La panique le gagna aussitôt alors qu'il se tournait vers la seconde moitié du lit, occupée. Sous la couverture se dessinait la silhouette longiligne de sa compagne. C'était elle qui venait de crier.

« Gretel ?

La jumelle ne répondit pas. Inquiet, il se pencha au-dessus d'elle. Les yeux encore fermés, elle devait être en train de rêver. Et ses rêves semblaient loin d'être agréables. Les traits crispés, elle s'agitait dans son sommeil, se débattant presque. Le jeune homme grimaça lorsqu'elle lui donna un coup de genoux dans les flancs.

Pourtant, des deux, c'était celle qui paraissait le plus souffrir sans qu'il ne puisse rien y faire. Il avait beau l'appeler, murmurer son nom encore et encore, elle ne réagissait pas. Et il n'osait pas la toucher. Le sentiment d'inutilité qui broyait son cœur le rendait furieux. Il était impuissant face à cela. Et son impuissance l'enrageait. Bien que cela l'agaçait royalement, le tueur de sorcière savait que dans ce genre de situation, il n'y avait qu'une seule personne capable de tirer la faucheuse de son état.

Ce n'était pas la première fois qu'une telle chose survenait.

Après tout, ils avaient dormis ensembles à maintes reprises depuis qu'ils avaient entamé leur relation. Lorsqu'ils couchaient ensemble, la jeune femme rejoignait rarement sa chambre par la suite. Pourtant, ces derniers mois, ce genre d'épisodes se multipliait.
Un instant, il se pencha au-dessus d'elle pour effleurer son front crispé d'un baiser.

Tiens bon petite teigne, je vais le chercher. »

Écartant les couvertures d'un geste vif, il glissa au bas du lit et s'en prendre la peine de se revêtir correctement, il se faufila dans les couloirs du manoir. Même si le bâtiment était toujours occupé et éveillé, de jour comme de nuit, l'Immortel ne croisa personne.

Lorsqu'il arriva devant la chambre qui l'intéressait, il ne prit pas la peine de toquer. La porte s'ouvrit violemment, claquant contre le mur, réveillant sans ménagement l'habitant de la pièce. Malgré l'urgence de la situation, le fils du patron ne put s'empêcher d'esquisser un rictus narquois et fier de lui.

Deux yeux gris perle se posèrent sur lui avant de le fusiller du regard.

« Que me vaut le déplaisir de ta visite ? grommela le jumeau, sortant difficilement de son sommeil.

Un instant, son attention se posa sur le deuxième lit de la chambre, vide, et son expression se ferma un peu plus, lorsqu'il comprit que sa sœur avait passé la nuit auprès de son amant.

Crois-moi, cela ne me fait pas plus plaisir qu'à toi, rétorqua Valentin, levant les yeux au ciel. Mais elle a recommencé. »

À ces simples mots, Hansel fut comme électrisé. Il se redressa aussitôt, toute trace de fatigue envolée. Bousculant l'amant de sa jumelle sur son passage, il disparut dans le couloir. Ce dernier retint une remarque acerbe, jugulant son sursaut de vanité. Ce n'était pas le moment. Les deux hommes avaient beau entretenir une certaine rivalité, il y avait bien une chose qui parvenait à les rassembler.

Le cas d'une impétueuse femme à la chevelure grise.

Le fils du patron retrouva Hansel dans sa chambre. Un instant celui-ci se figea, ses traits s'affaissant en constatant l'état de la faucheuse. Il ne fit pas cas de sa présence de ce lit. Ce n'était plus ce qui comptait. Son inquiétude immense se lisait sur son visage alors que tout son corps était crispé. Lorsque sa sœur souffrait, il souffrait également !

Les faucheurs IV - Funeste DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant