Chapitre 11. I.

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« Si je m'attèle aujourd'hui à retranscrire sur le papier l'ensemble des connaissances que j'ai pu amasser en plus d'un millénaire, c'est pour que les générations de faucheurs qui suivront pour les siècles et les siècles à venir trouvent leur chemin dans cette lutte éternelle.
C'est en guide que ce Répertoire se pose. Dictée par la volonté de la Mort, il offre à la postérité mon savoir et le fige dans le temps, pour que jamais il ne se perde.

À vous qui vous lancez dans cette lecture, dans la quête d'une information qui vous sauvera de la damnation, que la Mort soit avec vous.»


Extrait du Répertoire de la sorcellerie depuis le commencement à nos jours, par Valentinus, premier du nom et fondateur de l'ordre des faucheurs,
Prélude.

*

« Est-ce encore loin ?

Les rayons du soleil, scintillant faiblement dans le ciel encore gris, filtraient à travers les branches des arbres. Les feuillus encore dégarnis se mêlaient aux épineux qui eux, se dressaient fièrement, érigés comme des piliers inébranlables.

Le sol était tapissé de feuille et d'aiguilles, se mêlant aux jeunes pousses qui perçaient la terre gelée en cette fin d'hiver.

Valentin inspira à plein poumon l'odeur qui se dégageait de cette forêt, vivifiante. Le parfum de la liberté. D'ordinaire, il arpentait plutôt les bois aux sorcières, ces terres maudites par la Lune où tout y est pourri, où tout y est une menace. Ici, il ne craignait pas de voir bondir, de chaque fourré, un monstre ou une servante de la déesse, bien décidé à faire sa peau. Ici, il pouvait évoluer en toute quiétude entre les arbres, à la recherche de l'objet de ses désirs, sans avoir à s'inquiéter en permanence. C'était un véritable repos pour les nerfs.

Se tournant vers Nahima qui progressait avec agilité derrière lui, il lui lança un regard scintillant. Il sentait encore contre sa peau la trace de leurs caresses nocturnes. Pourtant, ils n'en avaient pas reparlé. Après tout, il n'y avait rien à dire.

Du moins pas pour lui.

Tout juste l'avait-il remercié du bout des lèvres. Grace à elle, il n'avait pas implosé, ce pour quoi il lui en était tout de même reconnaissant.

Esquissant un sourire narquois alors que la conteuse soulevait le bas de sa robe pour ne pas s'emmêler dans quelques racines épaisses, il persiffla, moqueur :

— Je ne pensais pas que tu étais du genre à déprécier les balades en forêt, chère Nahima.

Elle pencha la tête sur le côté, un pli se formant entre ses deux yeux. Son visage dégagé – ses cheveux étant noué en deux tresses noires – les expressions de son visage étaient parfaitement lisibles. Et en cet instant, elle semblait offusquée par la pique de son amant d'un soir.

— J'ai grandis dans les grandes forêts sauvages d'Alaska. J'ai vécu dans des bois une grande partie de mon existence. Ne crois pas qu'évoluer entre ces quelques chênes me pose problème.

— En Alaska vraiment ?

Nahima acquiesça, relevant le menton dans un geste digne, presque défiant.

— Quelle tribu ?

L'espace d'une seconde, elle parut hésiter à répondre. Profitant du fait que son interlocuteur se fut détourné d'elle pour enjamber une racine proéminente, elle souffla, d'une voix basse, que le vent dissipa aussitôt :

Les faucheurs IV - Funeste DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant