Chapitre 14. I.

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« Evening rise, spirit comes,
(Le soir se lève, l'esprit vient)
Sun goes down when the day is done,
(Le soleil se couche quand le jour se finit)
Mother Earth, awakens me,
(Terre Mère, éveille-moi)
With the heartbeat of the sea.
(Dans le battement du cœur de l'Océan)»

Evening Rise, réécriture anglaise d'un chant amérindien.

*

Sortir du bois aux sorcières n'avait pas été plus compliqué que d'y pénétrer. Puisqu'il était évident que cette part maudite de la forêt n'était apparue que très récemment, les monstres et autres créatures de la nuit n'avaient pas encore eu le temps de s'y installer. Seul le coven des sorcières s'y trouvait. Coven désormais détruit et dont il ne restait plus que des cendres.

Et malgré la magie maléfique qui embaumait l'air, Valentin et Nahima n'avaient plus rien eu à craindre.

Ils avaient rejoint le monde des Hommes en moins de deux heures et désormais, il évoluait de nouveau dans un univers préservé de la mauvaise influence lunaire, entre des chênes et des pins qui ne menaçaient pas de s'écrouler sur eux à chaque instant.

« Nous ne devrions plus être loin du village haïda maintenant, constata la conteuse en regardant le soleil qui amorçait sa décente dans le ciel.

L'après-midi était déjà bien avancé et le soir ne tarderait pas à tomber. Valentin fronça des sourcils mais ne dit rien. Sa nature méfiante avait refait surface. Ils avaient vécu suffisamment de choses pour s'interdire de fonder de trop grands espoirs sur l'alternative que lui avait proposée sa compagne. La découverte de la mort de Valentinus et du mensonge de son père avait mis à mal ses espérances et l'attaque des sorcières avait fini par souffler son entrain et refroidir son ardeur.

Le regard résolument fixé sur le sentier sur lequel ils évoluaient, il ne put s'empêcher de s'enquérir du bout des lèvres :

— Es-tu sûre qu'ils nous aideront ?

— J'en suis certaine.

— Comment peux-tu l'être ?

Nahima interrompit un instant leur rapide progression dans les bois et se crispa légèrement. Pourtant, c'est d'une voix atone qu'elle lâcha :

— Les hommes et les femmes que nous allons rencontrer sont mes très lointain descendants.

Pour une nouvelle, c'en était ! Le faucheur comprit instantanément ce que cela signifiait. La vague de stupéfaction qui le parcourut fut telle qu'il en resta sans voix. Et heureusement car, sans attendre sa réponse, l'amérindienne reprit la marche tout en expliquant :

— Jadis, les communautés Haïdas étaient séparées en deux groupes de plusieurs lignages : les Corbeaux et les Aigles. Les mariages ne pouvaient se faire qu'entre deux membres de deux groupes différents puisque notre structure repose sur la famille. La société était matrilinéaire même si le chef est toujours un homme.

La première surprise passé, Valentin était de nouveau maître de lui-même. Marchant au côté de sa compagne de route, les mains dans le dos dans une fausse attitude de nonchalance, il glissa, narquois :

— Laisse-moi deviner, tu es à l'origine d'une lignée des Corbeaux de ce clan ?

— Comment as-tu fait pour deviner ? s'exclama-t-elle, malicieuse.

— Une intuition...

Malgré son apparente décontraction, il éprouvait un vif et véritable intérêt pour ce peuple dont il en apprenait plus mais surtout, pour la vie de la conteuse dont il découvrait enfin les secrets. Après des siècles à se faire « une guerre des mystères » entre elle et la lignée des patrons, jouant à qui serait le plus énigmatique, les choses changeaient enfin. Si lui aussi avait dû lever le voile quant à ses secrets, il était ravi qu'elle en fasse de même.

Les faucheurs IV - Funeste DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant