Chapitre 16. I.

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« Vassilissa mit sa poupée dans sa poche et s'en alla dans la forêt obscure. Elle cheminait depuis quelque temps en tremblant quand un cavalier la dépassa : tout de blanc vêtu et monté sur un cheval blanc, harnaché de blanc. Aussitôt le ciel devint plus clair. Elle poursuivit son chemin et vit un autre cavalier : tout vêtu de rouge et monté sur un cheval rouge, harnaché de rouge. Et le soleil se leva.

Ce n'est qu'au soir tombant que Vassilissa atteignit la clairière où vivait Baba-Yaga. La clôture de sa maison était faite d'ossements, des crânes avec des yeux ornaient cette clôture, comme montants de portail des jambes humaines, pour loquets des bras avec des mains, et en guise de cadenas une bouche avec des dents pointues.

La pauvre jeune fille trembla comme une feuille en voyant ça, quand un cavalier arriva : tout de noir vêtu et monté sur un cheval noir harnaché de noir. Aussitôt la nuit tomba et les yeux des crânes s'allumèrent, si bien qu'on y voyait comme en plein jour. Vassilissa aurait bien voulu se sauver, mais la peur la clouait sur place.
Tout à coup il se fit grand bruit dans la forêt : les branches craquaient, les feuilles crissaient. Et déboucha dans la clairière Baba-Yaga, vieille sorcière. Elle voyage dans un mortier, le pousse du pilon, efface sa trace du balai. Le mortier s'arrêta devant le portail, Baba-Yaga huma l'air et s'écria :

- Ça sent la chair russe par ici ! Qui est-ce ? »


Vassilissa-La-Très-Belle et Baba Yaga,

Contes populaires russes, Alexandre Afanassiev.

*

Lorsque l'avion se posa sur le sol anglais, l'après-midi était déjà bien avancé. Le soleil déclinait lentement, menaçant, indiquant chaque minute l'arrivée du jour suivant qui serait marqué d'une éclipse solaire. Les Humains se préparaient déjà pour cet évènement céleste qui attirait bien des curieux. Mais du côté des faucheurs, et en particulier celui de Valentin, l'appréhension ne faisait que monter.

Le nouveau patron et la conteuse devaient absolument atteindre le manoir avant la tombée de la nuit.

Lorsqu'ils quittèrent le monde des Hommes et leurs villes pour s'engouffrer dans les bois, le crépuscule se dessinait dans le ciel. Ce qui n'annonçait rien de bon. Ignorant tout des monstres qui avaient peut-être rejoint la région, ils ne savaient pas ce qui les attendait à l'ombre des grands arbres. Mais ils savaient que les troupes de la Lune était déjà arrivées. Lorsqu'ils étaient encore en ville, les deux immortels avaient perçu la tension dans l'air. Les phénomènes étranges et inexpliqués s'étaient multipliés depuis leur départ... Ainsi que les disparitions inquiétantes. Les Humains craignaient sans savoir ce qui en était à l'origine.

Les deux compagnons de route avaient parfaitement conscience de l'importance capitale de leur réussite le lendemain. La conteuse surtout, qui n'avait de cesse de répéter que seule l'humanité comptait, paraissait anormalement agitée. Le secret qu'elle conservait depuis leur visite au camp haïda semblait la mettre sur les nerfs sans que le faucheur ne puisse en comprendre la teneur.

« Demain, tout changera... souffla Nahima, d'une voix rauque. Le monde que nous connaissions depuis si longtemps ne sera plus.

À l'entente de cette remarque, le cœur de Valentin se serra dans sa poitrine. Il n'aurait pas la chance de voir ce nouveau monde... Mais dans un sursaut d'orgueil, il était ravi de l'offrir aux autres. Sans lui, tout ça ne serait pas possible. Et il avait toujours clamé que sa loyauté allait à la Mort. Dans un tel moment, il ne pouvait que le prouver en acceptant son destin, aussi funeste soit-il ! Adressant un sourire à l'amérindienne, il glissa :

Les faucheurs IV - Funeste DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant