Recueil Vikings

Beautiful Sorrow

La mort pour tous. C'est ce qui nous est promis au final. Et à l'heure de la mienne, je crierais encore ton nom. Et celui de ta merveilleuse mère.

Angrboda.

Helga.

La brume avait depuis bien longtemps envahit ma tête ; je ne connaissais plus d'éclaircies. La tempête ne semble pas vouloir me quitter.

J'ai perdu une partie de moi-même avec toi, Angrboda. Ma fille.

Le meilleur de ma personne était en toi. J'ai longuement détesté les dieux pour t'avoir repris. Ou bien était-ce une nouvelle fois la faute de ce maudit chrétien : Athelstan.

Je n'ai même pas pu te dire au revoir, enchaîné dans cette grotte qui m'a vu dépérir et que je hais de tout mon être. Je n'avais pu que crier au monde mon atroce souffrance de te voir partir avant moi. Ce n'était pas dans l'ordre des choses.

J'avais encore tellement à te dire, tellement à te montrer. Et tu avais tellement à m'apprendre.

Puis était venue la mort de Ragnar.

Depuis qu'il m'a quitté, j'ai des souvenirs abîmés par le temps qui m'emplissent le crâne. Peu importe où mon esprit se tourne, il est là. Et il me regarde, totalement silencieux.

Mes yeux débordent parfois sans que je ne puisse les en empêcher. J'ai une douleur à la poitrine qui ne veut apparemment pas me laisser en paix. J'espère constamment me réveiller un jour et comprendre que rien n'est arrivé. Que nous ne sommes jamais partis à l'ouest. Parce que c'est ce qui a fini par nous perdre, Ragnar : l'Ouest.

Les dieux m'avaient ensuite assené le coup de grâce : la perte de ma douce Helga.

J'ai son image gravée dans le coeur. Et son parfum flotte encore partout où je passe.

Ma si belle Helga.

J'avais en moi cette impression tenace de la connaître depuis toujours, de n'avoir été créé que pour être auprès d'elle. Et cette impression faisait face à une autre, presque plus forte : celle de ne jamais l'avoir méritée.

Helga avait un elfe posé sur son épaule, et quand il la faisait rire, le monde l'imitait. Je crois que son rire était le son que je préférais. Il me sortait de mes cauchemars, m'emmenant dans un océan de bonheur.

Et j'avais cru éternelle la clarté de ses yeux. Mais un voile opaque les avait un jour obscurcis, et j'avais alors compris que je m'étais trompé. Commet aurais-je pu la convaincre que Tanaruz n'appartiendrait jamais à notre monde ? J'ai essayé de faire en sorte qu'elle remarque son erreur. Mais Angrboda était si profondément ancrée dans son esprit que je n'y avais presque plus de place.

Mes larmes ont formé un ruisseau qui abreuve les fleurs sur sa tombe.

Ainsi, mon dernier rempart était tombé.

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Assis sur cette page, je fixe l'horizon depuis plusieurs heures.

Qu'est devenu notre petite maison, Helga ? Ce refuge dans les hauteurs, cet endroit où je me sentais à l'abri de tout ? Où es-tu, Helga ? As-tu retrouvé notre fille, comme tu me l'avais dit ? Est-ce qu'au moins tu m'entends, Helga ?

J'ai désormais érigé des murs autour de mon coeur pour m'assurer que plus personne n'y entre. Je ne veux plus condamner qui que ce soit.

J'aimerais détruire à jamais ces souvenirs qui lacèrent mon passé et en font quelque chose d'inutile, d'immonde, de désuet. Et bientôt, le temps, ce tueur impardonnable, s'en chargera pour moi.