And I remember

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Rien ne s'est passé comme je l'espérais. Mais je suppose que ça aurait pu être pire.

Je me souviens de Kattegat.

C'est là que je suis né. Et c'est dans ces bois, à quelques dizaines de mètres des premières maisons, que j'aurais dû mourir.

On m'a souvent demandé si j'en voulais à mon père.

Non.

Je n'ai aucune haine pour lui. Il a fait ce qu'il pensait nécessaire et je ne crois pas qu'il l'ai fait de gaieté de coeur. Il avait dans l'idée de m'épargner une vie de souffrance, ce que ma mère n'a pas pu faire. Mais peut-on reprocher à une mère d'aimer un fils ? Je ne lui en veux pas, à elle non plus.

Elle m'a aimé sûrement plus qu'elle ne s'aimait elle-même.

J'ai souhaité la pire des morts à Lagertha. Je n'ai pas souvenir d'avoir haï quelqu'un comme je l'ai haïe et la hais encore. Elle m'a détruit par esprit de vengeance.

Je me souviens aussi des habitants. Certains tentaient de cacher leurs exactions aux dieux, tout comme ces Chrétiens mettaient un voile sur les yeux des anges pour dissimuler leurs péchés. Oui, ils croyaient en une rédemption absolue si personne ne voyait quoi que ce soit.

La rédemption n'existe pas. Pas pour tout le monde. Moi, je sais déjà que je ne serais pas pardonné.

Je me souviens des nombreuses guerres livrées. De celles que j'ai gagnées. De celle que j'ai perdues. De celles qui n'étaient pas vraiment les miennes. De celles qui, au final, se sont révélées inutiles. De celles qui auraient pu me coûter la vie.

De celle qui va me coûter la vie.

Il se tient face à moi, et je vois la terreur sur son visage, l'hésitation dans son regard.

« N'aie pas peur. »

Est-ce que c'est à lui que je venais de dire ça ? Ou bien à moi-même ?

Sept coups de dague. C'est donc comme ça que je mourrais.

Ma jambe gauche cède soudainement, et je tombe au sol. J'ai beau être habitué à cette douleur, cette fois, c'est comme si je la redécouvrais.

Hvitserk vient me prendre dans ses bras, et je me souviens...

Je me souviens que le matin même, il m'avait dit « Pas aujourd'hui, Ivar ». J'ignore pourquoi je ne l'ai pas pris au sérieux. Aurais-je dû ? Ou était-ce de toute façon mon destin de mourir ici, de mourir aujourd'hui ?

J'ai peur. Pour la première fois, je l'admets : j'ai peur.

J'ai peur que les portes du Valhalla me restent fermées.

J'ai peur d'avoir déçu Floki, d'avoir déçu mes frères, d'avoir déçu mon père.

J'ai peur qu'on m'oublie.

HVITSERK : Je ne le dirais à personne.

Je souris légèrement à cette simple petite phrase. Parce que c'est tout ce qu'il me fallait.

Que personne ne le sache.

Recueil VikingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant