Boule de papier

Phalanges

T'arrives plus à écrire.

T'as oublié comment on faisait, c'est bête, toi qui adorait ça, avant. C'est presque aussi tragique que de devenir muette, et sûrement aussi douloureux.

Tu savais, que ça allait pas durer longtemps, de toute manière. Tout ce que tu commences sans terminer, en te lassant si vite, en faisant un tour abrégé des choses avant de les jeter. Les contempler dans leur ensemble, ne jamais fusionner. Tu détestes ça. Presque autant que le reste

Englouti et si vite recraché, si vite, mon dieu, pour ne pas te brûler les lèvres.

Mille fois plus facile de montrer que de parler. Tes mains tremblent, tu te craques les doigts, encore et encore, jusqu'à les abîmer. C'est même le but précis. Abîmer. Détruire, et remplacer si vite. Un immense feu de tristesse sur un autel que tu n'as pas choisi de bâtir.

T'as oublié les mots, c'est ça ? Et t'en ressors plus frustrée, à chaque fois, d'avoir plein de choses à dire sans les raconter, et des traits trop imprécis dans tes dessins, et des synonymes dilués dans tes textes. Apprends à diluer, à rallonger, à recouper. Plus de forme que de fond.

Plus de formes que de fond.

Doigts cassés, à force de les craquer, on t'as prévenue que c'était dangereux, et chevilles tordues à force de courir. Et langue engourdie à oublier comment parler.

Laissez moi tranquille !

Dommage, c'est pas comme ça que ça marche par ici. Mais c'est bien, tu parles, déjà. La prochaine leçon, c'est " sourire " tu verras, même si ça brise les dents et ça épuise les mâchoires. Ça sera toujours mieux que ce que tu fais déjà. On te le fera recopier, pour que tu retiennes. Tu apprendras à être heureuse, un jour, même avec des bandages aux phalanges.

~

désoléedésoléedésoléedésoléedésoléedésoléedésoléedésoléedésoléedésolée