1 rêve

13 5 0
                                    

Le bruit de la cascade est lointain, enfoui au fond du bois.

Le sol est mou sous mes pieds, et des tourbillons devant ma bouche. Je me rapproche lentement, avec culpabilité, de l'avènement. Il me semble que je me déleste en route, les vêtements, des poids sur les feuilles mortes.

Les mains et les paupières bleues. Des convulsions, tout tremble.

La cascade se rapproche.

Il y a huit ans, trois enfants ont construit une cabane dans les arbres, enchevêtrement de bois désormais mort. Ils y ont caché une promesse sous forme de fiole, mais impossible de m'en rappeler, ni même de remettre la main dessus.

Assourdissant.

Le bois a été racheté, revendu, bradé, oublié, et maintenant, mes parents en sont propriétaires. Je retourne, je me ressouviens. Rien n'est pareil, tout l'est. Je retrouve des gravures sous la mousse, repasse mes doigts dessus, mais les traces de pneu dans le sol montrent que les choses ont changées.
J'ai changé, aussi, un peu.

Accablant.

C'est fini, ça recommence.
Le bois se teinte d'un sang que personne ne reconnaît plus, un sang qui mal tourné. Les framboisiers ont déjà rougis, il y a des millénaires, Pyrame et Thisbé, je reconnais !
Les feuilles crissent. C'est déjà l'hiver ? J'ai l'impression de ne t'avoir jamais quittée. Hypothermie.

Si proche.

On m'attrape par le bras, on m'extirpe, des hurlements. Des gens que je connais, des gens que j'ai connu. Le bruit de l'eau, le bruissement des feuilles, il y a si longtemps que je n'avance plus que je me suis refroidie. Les mains courbaturées à écrire, à toucher, à ressentir, les paupières épuisées de n'avoir rien vu. De moi, des Autres, de la cascade, j'ai même oublié tout ce que je m'étais jurée de me souvenir.

Trois jours avant Noël, je me réveille dans les bois.

Atteinte.

Boule de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant