Chapitre 18

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    C'est la deuxième fois en moins d'un mois que Sehun me traîne dans les boutiques. Bien que je ne l'admettrais jamais, j'aime le temps que je passe avec lui même si je finis forcément par porter ses sacs qui sont toujours nombreux. Il est un mordu de mode, et son style est toujours décalé par rapport au style du moment. Il se plaint souvent, trop souvent, de ne pas pouvoir porter ce qu'il veut au lycée. Nous n'avons pas d'uniforme, contrairement à la majorité des établissements scolaires du pays, mais en contrepartie notre lycée est très strict sur les vêtements que nous portons.

    Tout ça pour dire que mon meilleur ami m'a vilement kidnappé pour m'emmener faire du lèche-vitrine avec lui.

    — Tu sais à quoi je pense ? sourit Sehun, un bras autour de mes épaules.

    — Pas vraiment, mais tu vas me le dire ? fais-je, blasé, tout en lui lançant un regard.

    Nous recueillons quelques regards déplacés, en premier lieu à cause de notre proximité et l'absence de pudeur dans nos marques d'affection, mais également parce que la grande perche qui se tient à mes côtés parle fort, très fort, et que évidemment, cela dérange les passants. Je lui donne un coup de coude dans les côtes, espérant qu'il comprenne le message. Mais que nenni, le voilà qu'il continue en haussant la voix, sans même s'en rendre compte :

    — À la fois où on a rencontré Namjoon et qu'il s'est enfui parce que t'as fait lever son chapiteau.

    Mes joues prennent une teinte coquelicot, alors que le vieil homme qui passait justement à côté de nous se retourne, les yeux grands ouverts. On peut dire une chose sur le noiraud qui se révèle tout le temps vrai : il est loin d'être discret, dans tout ce qu'il fait.

    — Il y a des gens, autour de nous ! râlé-je.

    Il hausse les épaules, s'en fichant éperdument comme de la première dent qu'il a perdu. Une deuxième chose, le concernant : il se fiche totalement du regard des autres. Il fait ce que bon lui semble, et au diable la bienséance coréenne. Il reste respectueux, bien entendu, mais personne n'est capable de l'empêcher de faire ce qu'il a envie. Et d'un côté, je l'envie énormément pour ce trait de personnalité.

    Sehun me tire dans une boutique, la même où nous avons rencontré Namjoon il y a quelques temps, et se met à défiler dans les rayons, le regard profondément observateur. Il laisse courir son doigt sur les vêtements suspendus, et jette un œil sur les pantalons pliés sur plusieurs rangées d'étagères.

    — Leur ancienne collection était beaucoup plus jolie, renifle-t-il, plein de dédain.

    J'étouffe un rire moqueur devant sa moue hautaine, celle qu'il prend habituellement sans s'en rendre compte. Bon sang, je l'adore. Il me prend par la main et nous sortons du magasin, lui me tirant plus qu'autre chose. Ce n'est que la première boutique, mais je suis déjà épuisé.

    Chaerin et Rosé auraient voulu venir avec nous, mais mon meilleur ami avait répondu que c'était une sortie entre "mecs virils". Je suis très loin d'être l'archétype du type viril, à vrai dire. Sehun passe son temps à s'extasier sur mes traits fins et féminins et à comparer mon visage à une bouille de chaton mécontent. Parfois, je le déteste.

    — Quand est-ce que tu passes à la vitesse supérieure, avec Namjoon ? me dit-il soudainement, me sortant de mes pensées.

    — J'en sais rien.

    Il lâche un soupir. En le voyant me regarder avec un désespoir non-dissimulé, je me sens obligé de rajouter :

    — Écoute, tout ça c'est nouveau pour moi. Personne ne s'est jamais intéressé à moi comme il le fait. Je ne sais juste pas comment réagir.

    — Je suis sûr que ça lui ferait très plaisir si tu lui faisais des avances, me répond-il en me jetant un rapide regard.

    Son bras posé sur mes épaules, nous déambulons dans l'artère principale de la zone commerciale de la ville. Plus nous nous y enfonçons, plus les passants sont nombreux, et plus je suis mal à l'aise. Je n'aime pas la foule, et encore moins quand je discute d'un sujet sensible. Je me sens vulnérable, et j'ai l'impression qu'ils se moquent tous de moi. J'essuie discrètement mes paumes moites sur mes cuisses, et fais mine de rien. Pas besoin de l'inquiéter, je sais gérer mon anxiété.

    — Tu penses à quoi, par exemple ?

    Je me rapproche un peu de son corps. Comme il est grand, je me sens un peu plus protégé contre lui. Je suis tendu, et je sais qu'il le ressent, si bien qu'il nous fait entrer dans un nouveau magasin, pour échapper à cette foule dense. Il y a beaucoup moins de monde à l'intérieur, peut-être parce que nous sommes dans une boutique de sous-vêtements féminins, et que la majorité des coréennes préfèrent acheter ces choses-là sur les sites et se faire livrer. La pudeur avant tout, comme elles disent.

    Le visage écarlate, je piétine nerveusement sur place quand je me rends compte que Sehun observe sérieusement les strings, dans un coin de la boutique, comme cachés des regards. Acheter un string, quelle horreur. C'est sarcastique, bien évidemment.

    — L'inviter à boire un verre ? Ou à venir regarder un film chez toi ?

    Pour un premier rencart, aller au cinéma, c'est quelque chose qui m'angoisse. Trop de choses peuvent se passer dans le noir, même si j'ai confiance en Namjoon. C'est encore trop tôt pour que j'y mette un pied pendant un rendez-vous ; et ça, Sehun l'a parfaitement compris.

    — Regarde-moi cette merveille, Yoongi !

    Il attrape un bout de tissu et me le met pile devant mon nez. Je dois actuellement ressembler à une tomate sur pieds. Un tanga, rien que ça... la vendeuse va sûrement nous prendre pour des pervers. Mais je dois avouer qu'il est joli, il est entièrement fait de dentelle noire.

    — Il te ferait un boule magnifique, reprend-il.

    — Pardon ? m'écrié-je. Tu penses quand même pas que je vais porter un truc pareil ?!

    — N'essaie pas de me faire changer d'avis, je te le prends.

    Il sourit avec malice, et rajoute d'un ton beaucoup plus bas, à mon oreille :

    — Je suis sûr que ça plaira à un certain serveur.

    Je lui frappe violemment le torse, ce qui le fait légèrement tousser parce que, même si j'ai une bouille de chaton mécontent, je sais taper, et plutôt fort. Néanmoins, son sourire ne quitte pas son visage, et il se dirige d'un pas déterminé vers la vendeuse, après avoir pris la taille qui lui semble me correspondre. Je suis habitué à excentricité de Sehun, mais de là à m'acheter un tanga ! Le point positif, c'est qu'il ne m'a acheté que ça, il aurait pu me prendre des porte-jarretelles, aussi...

    La jeune femme à la caisse nous regarde d'un drôle d'œil, mais enregistre tout de même l'article. Je suis mort de honte. Je garde le nez rivé sur mes chaussures alors que mon meilleur ami paie, faisant la grimace devant le prix.

    Un tanga pour Namjoon... je mordille furieusement ma lèvre en sachant pertinemment que, au fond, l'idée ne me déplaît pas autant qu'elle aurait dû.

effet papillon | namgiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant