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Bonne lecture !

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Il y a eu de la neige, ces derniers jours, beaucoup de neige. D'abord quelques flocons, puis ensuite une véritable tempête qui a duré toute la nuit passée. Alors, quand Spencer arrive enfin au parc après que ses cours aient été annulés, il est surpris de voir autant de monde.

Ce matin, en sortant de l'immeuble, il a été jusqu'à son lycée, a marché sur le trottoir enneigé pendant un bon moment, avant de tomber sur les grilles fermées et le mot sur le tableau d'affichage « École fermée jusqu'à lundi ».

Les mains dans les poches de son manteau, son sac plein de livres sur le dos, Spencer a regardé le tableau pendant un moment, gravant les mots dans sa mémoire sans même y penser. Rentrer chez lui ? Perturber l'emploi du temps de sa mère ? En ce moment ça va mieux, elle va faire les courses et elle est même en train de chercher du travail (ce qui n'aurait pas dû être si compliqué car elle aussi, c'est un génie, mais un génie qui finit par hurler sur les gens lors de ses mauvais jours en serrant son fils tellement fort dans ses bras que ça lui fait des bleus). Alors un changement dans l'emploi du temps, se croire le week-end en voyant son fils à la maison, ça peut faire plus de mal que de bien.

Spencer a hésité un instant, juste un instant, avant de tourner les talons.

À présent, il fixe d'un air étonné tous ces gens (ces inconnus, ces hommes et ces femmes, leurs enfants, ces personnes qui ont une maison quelque part, des habits propres, des sourires sur leurs lèvres, des expressions ouvertes et satisfaites par la neige et cette activité qui les a amenés ici) qui remplissent le parc. Spencer hésite à nouveau, car ce parc aussi rempli n'est pas réellement son parc, mais finit tout de même par se créer un chemin, en essayant d'éviter le maximum de contact : des discussions, des rires, puis enfin quand il arrive sur la place, il ne peut s'empêcher de hausser un sourcil, très discrètement.

Il y a plus de plateaux que d'habitude. Il y a des joueurs et une table avec des papiers et encore d'autres personnes, une femme qui passe entre les rangées et puis encore des personnes font des « oooh » quand un mouvement inattendu arrive. Il y a du monde, une foule de spectateurs. Des joueurs inconnus. Des joueurs connus.

Spencer fixe tout ça, sans trop savoir quoi faire. Il y a trop de monde. Et ça a l'air à la fois aussi officiel que non officiel.

Il déglutit, et essuie ses mains moites sur son pantalon trop grand.

— Spencer ?

Il met quelques secondes à se rendre compte que c'est à lui qu'on s'adresse. Dans son dos, une voix le force à se retourner. Spencer rencontre de grands yeux sombres, un homme dans la fin de la vingtaine avec une barbe de trois jours.

— Simon, dit-il, pas très fort.

Sa voix ne dépasse pas celles de tous ces gens présents, mais Simon semble l'avoir entendu. Il lui sourit.

— Il me semble que tu ne viens jamais le matin, d'habitude.

— Mmh, oui. Oui, je... la neige.

Il pointe du doigt les talus de glace terreuse qui ont été déplacés sur les côtés pour laisser la place libre. Simon acquiesce, comme s'il comprend vraiment, et Spencer apprécie.

— Ton lycée est fermé, alors ?

— Oui. À cause de...

— La neige.

Spencer hoche la tête, et ne peut s'empêcher de rajouter :

— En fait, les poussières favorisent la formation de la neige. Les gouttelettes d'eau ne gèlent pas immédiatement quand la température devient négative, alors autant de neige en aussi peu de temps c'est assez étonnant, surtout avec ces températures.... Une gouttelette d'eau pure peut rester en surfusion jusqu'à près de – 40 °C avant de se solidifier et les particules de poussière fournissent une surface solide capable de déclencher la solidification, de sorte que les gouttelettes chargées de poussière commencent à geler autour de – 6 °C...

Ses lèvres se ferment, et il baisse les yeux sur ses pieds, et la couleur dépareillée de ses chaussettes qui ressortent un peu de ses bottes. La foule les entoure encore un instant, jusqu'à ce que Simon dise d'un ton sincère :

— C'est intéressant, Spencer. Tu parles pas aussi souvent, d'habitude.

Il relève la tête, observe cet homme, ce jeune homme qui semble à la fois gêné et amusé. Il ne parle pas aussi souvent, car personne n'écoute vraiment. Il ne parle pas aussi souvent, car s'il ouvre la bouche dans une salle de classe alors il finit très souvent avec du chewing-gum dans les cheveux (ou des coups à la fin des cours, ou de l'eau sur ses affaires, ou encore ses précieux livres brûlant dans une poubelle).

Il ne parle pas souvent, car le seul endroit où il peut le faire c'est un appartement un peu miteux, que son père leur a laissé en partant. Un appartement où sa mère l'écoute toujours avec un sourire, où elle lui caresse les cheveux, où elle lui dit que ce cerveau, c'est un miracle et un cadeau, et qu'il ne doit jamais en avoir honte.

Il l'entend, retient, mais n'applique pas forcément.

— Non, je...

Mais il ne sait pas quoi dire. Alors sa bouche se ferme, et il tourne la tête vers les joueurs. Il voit George, tout au bout d'une rangée : il a l'air concentré, les doigts sur son menton, et Spencer l'observe quelques secondes. Il tend la main, bouge une pièce. Il se mouche, dans un vieux mouchoir en tissu.

— Tu peux aller le rejoindre, tu sais ? Tu n'es pas inscrit, mais je suis sûr que personne ne fera attention à toi si tu lui chuchotes quelques conseils.

Le visage de Simon se détend quand il croise son regard, et Spencer le sent faire deux pas vers lui. Une main se pose dans son dos, et le contact dure un instant, jusqu'à ce qu'il se décide à marcher, un pas à la fois, jusqu'aux tables.

Il entend :

— À la prochaine, Spencer.

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Des bisous !

Vaste est l'horizon || Spencer ReidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant