Hope

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Ils étaient étrangers

Ils s'ignoraient

Se comportaient comme des inconnus

Pourtant ils se connaissaient

Il se sentait délaissé

Abandonné

Blessé

Pourtant il espérait qu'il vienne le sauver

Un regard

Juste un regard

Il voulait le retrouver

Il espérait depuis des années

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Il releva la tête, sentant les regards autour de lui. La journée était bientôt finie et le même rituel allait débuter. Comme d'habitude. Une main attrapa violemment son poignet et il fut forcé de suivre la personne qui le tenait. Il marchait rapidement, sans prononcer de mots. Ces instants étaient devenus son quotidien, il ne réagissait même plus, c'était comme prendre le bus ou faire ses devoirs. Cette violence était devenue banale. Un élément comme un autre dans sa vie.

Le jeune homme fut jeté contre un mur et souleva ses cheveux qui l'empêchaient de voir correctement. Il regarda rapidement les gens qui l'entouraient, trois filles et deux garçons. Il relâcha la tension dans ses bras et laissa tomber ceux-ci le long de son corps, soupirant discrètement. Il n'en avait rien à foutre de se faire tabasser. La seule chose qui l'inquiétait était qu'il rate son bus. Il entendit les personnes en face de lui prononcer quelque chose, ils devaient sûrement s'étonner de sa passivité. S'ils étaient venus pour le voir pleurer, hurler, supplier, ils pouvaient passer leur chemin. Il n'avait plus envie d'offrir ce spectacle, il se contentait de fermer les yeux et d'attendre la fin.

Une main empoigna ses cheveux et força à regarder l'homme en face de lui. Il n'y avait que haine et dégoût dans son regard. Un coup de pied rencontra ses côtes, et il bascula sur le sol, grinçant des dents. Même après toutes ces années, la douleur était toujours aussi intense. Son corps ne s'habituait pas à cette violence. Il releva légèrement la tête, anticipant la suite des événements. Heureusement, ils étaient dehors et n'avaient autour d'eux aucun objet pouvant le blesser. Il avait déjà subi les brûlures de cigarettes, l'étouffement dans de l'eau, des coupures avec tous les objets possibles et imaginables. Ces quelques coups ne lui faisaient aucun effet. Pourtant ils devraient le révolter, il ne devrait pas être habitué à se faire frapper juste parce qu'il était lui-même.

Il ferma à nouveau les yeux lorsque les coups de pieds s'enchainèrent dans son ventre. Presque dix ans de taekwondo pour se retrouver allongé dans une ruelle à se faire tabasser, pensa-t-il ironiquement. Il n'essayait pas de se rebeller, il savait que les conséquences rendraient la situation bien pire. Alors il attendait. Que ces gens aient fini de cracher leur haine contre lui, la "pédale" comme ils l'appelaient. Il attendait qu'ils aient fini de se défouler. Les trois filles derrière rigolaient, apparemment le spectacle leur plaisait. Mais celui-ci fut interrompu.

Un jeune homme entra dans la ruelle et avança d'un pas déterminé vers eux. Ceux qui le tapaient arrêtèrent et il releva la tête, essayant de voir qui venait d'arriver. C'était un garçon qu'il avait l'impression de connaître sans connaître. Comme s'il avait fait partie de sa vie un court instant, juste de passage dans celle-ci. Leurs yeux se croisèrent et il fronça les sourcils. Il l'avait déjà rencontré, son visage lui était familier. Les cinq étudiants râlèrent face au nouveau venu en lui disant de dégager mais il ne bougea pas. L'un des garçons s'approcha de lui, énervé, et lui redemanda de partir. Le regard de l'inconnu, animé par la colère et la rage, fut sa seule réponse. L'autre lui empoigna le col de son pull, prêt à le faire sortir lui-même de la ruelle. Il ne s'attendait pas à se prendre un coup de poing dans la mâchoire après son acte. Une dizaine de secondes se passèrent sans que personne ne bouge, tous étaient choqués de ce qu'il venait de se passer. Non par à cause de la violence, mais parce que le garçon frappé venait de subir sa propre punition. Les cinq étudiants partirent rapidement, visiblement énervés.

Il s'approcha de la dernière personne présente dans la ruelle, qui essayait de se redresser. Son calvaire n'avait pas duré très longtemps, il n'aurait que quelques bleus. Une main souleva son bras, l'aidant à se relever, et il fixa, debout, son sauveur, s'il pouvait l'appeler comme ça. Son visage lui était familier, mais il n'arrivait pas à se souvenir qui il était. Le jeune homme en face de lui sourit et prit la parole.

Tu es bien Jeno ?

Ce dernier hocha la tête, un peu perdu. Les gens ici ne connaissaient généralement pas son prénom, se contentant d'insultes pour l'appeler. Il interrogea du regard le garçon, lui faisant comprendre qu'il ne se souvenait pas de lui.

Je me doutais que tu n'arriverais pas à mettre un nom sur mon visage. Je pense que tu te souviens quand même de moi, je m'appelle Haechan.

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Coup dur pour Haechan l'oublié

Bubblegum bıtchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant