Aujourd'hui, une grosse mise à jour de Time Earth empêche les joueurs de se connecter jusqu'à ce soir à dix-neuf heures. Et ça tombe bien, aujourd'hui je retourne au travail : j'ai pris mes cinq semaines de congé d'un coup, pour commencer Time Earth et mettre en place le SFG1. Maintenant, le congé est fini, et je dois retrouver mon travail : je suis ingénieur en augmentations électrobiologiques : je crée des prothèses et des exosquelettes. En parallèle, je dois aussi faire le travail inverse : transformer les machines en êtres vivants, en couplant IA et connectique. Par exemple, je travaille actuellement sur un projet d'IA implantée dans un ordinateur contrôlant un corps biologique cultivé en cuve (on appelle le tout un "homoncule"). Je travaille à la NeuroCorp, un groupe d'entreprises dans le domaine de la neurotechnologie. Je suis affecté à la branche "Applications Médicales et Intelligences Artificielles", dite AMIA. Time Earth est gérée par une autre branche, basée à Paris : "Applications Ludiques", ou AL.
Si j'ai décroché ce poste à dix-neuf ans seulement, c'est grâce au Diadème, lui aussi développé par AL. Il sert de console de jeu, mais aussi de bureau, de téléphone, d'ordinateur, de somnifère (il peut désactiver certains neurones, pour endormir l'utilisateur, ce qui est une idée qui vient de moi), et même de système de formation accélérée : il fourre des connaissances dans le siège de la mémoire des utilisateurs si ils veulent apprendre quelque chose. Par contre, comme les cerveaux d'enfants sont encore en développement, ce système de formation est interdit aux mineurs, qui doivent aller à l'école comme en 2021. Grâce à cette formation accélérée, j'ai pu acquérir une expertise en cybernétique, et être embauché.
Toujours est-il qu'aujourd'hui je dois mettre la touche finale à l'IA qui contrôlera le corps biologique. Depuis six mois que je travaille dessus, j'ai hâte que ce soit fini : je pourrais ensuite m'attaquer à un projet de prothèse oculaire à vision thermique pour les forces de l'ordre. J'arrive au bureau, un immense bâtiment construit sur les ruines de l'ancien lycée "Le Likès de Quimper", qui a été détruit car considéré comme trop polluant. Dans la pièce qui m'est attitrée, je vois mes assistants terminer les préparatifs pour contenir le corps biologique en cas de souci : des tasers, une cage en verre et une petite IEM (Impulsion Electro-Magnétique, une onde capable de désactiver les circuits électriques de l'IA). Je m'assieds dans mon fauteuil, je mets mon Diadème, et je lance le logiciel de programmation. Je code dans le seul langage de programmation qu'un cerveau peut lire : le River, inventé en 2022. Après une matinée à écrire des lignes de code entre deux fonctions, à en modifier d'autres, l'IA est prête. Je l'implémente à l'ordinateur du corps, et je lance le système. Une main frémit, puis le corps se dresse. La créature semblable à un humain, d'environ un mètre, fait quelques pas. Elle se tourne, et perd l'équilibre. Ce qui aurait pu être drôle devient alors effrayant : les haut-parleurs de l'ordinateur contenant l'IA lâchent un râle glaçant, comme un pleur monstrueux. L'homoncule finit par retourner dans sa cuve, et je coupe le logiciel. Je me tourne vers un assistant :
-Vous avez filmé ?
-Bien sûr ! Comme vous l'avez ordonné hier.
-Envoyez la vidéo au directeur et au client. J'appelle les transporteurs, ça leur fera un peu de boulot. Quant ils arriveront, dites-leurs d'emporter la cuve. L'IA, le corps et l'ordinateur sont dedans. Les clients n'auront plus qu'à copier le logiciel et à l'implémenter dans leurs homoncules.
Je vais dans l'atelier de l'entreprise, accompagné de presque tous mes assistants. Je commence la conception de la prothèse oculaire thermique. Je commence par me saisir de diverses caméras thermiques, que je démonte et que j'analyse. Le meilleur compromis entre compacité et qualité est le système à redirection de lumière. Ce système, inventé cette année, distord la lumière pour lui faire traverser divers cristaux et transformer les infrarouges (lumière émise par toutes les sources de chaleur, humains compris) en lumière visible. Cela évite de passer par une caméra et un écran, donc le nombre de pixels n'est plus un problème. C'est en demandant un cristal à un de mes assistants que je constate que ma journée est finie : en me retournant, je vois l'horloge : dix-huit heures trente-quatre. Je souhaite une bonne soirée à mes assistants, et je m'en vais.
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Time Earth : War for AI
RandomAnnée 2024. Chacun possède un Diadème : un système de lecture neurale remplaçant les smartphones. Axel Maruno, jeune escrimeur un peu geek, se procure un jeu VR pour Diadème : Time Earth, un MMORPG dans lequel le temps et l'espace ont toute leur imp...