Je t'aimerai si j'oublie tout.

12.

Le samedi suivant, Eline se dirigea vers le théâtre de la ville avec un sourire aux lèvres mais aussi une grosse boule au ventre. Elle s'était maquillée pour l'occasion en faisant attention à chaque détail, un rose délicat était posé sur ses lèvres et une touche orangée habillait ses yeux. Lorsqu'elle entra dans la salle, l'adolescente s'assit sur un fauteuil de la dernière rangée et regarda quelques jeunes filles passer avant elle jusqu'à ce qu'un homme l'appelle.

- Eline s'il vous plaît !

Elle voulut se précipiter sur scène pour en finir au plus vite mais se força à adopter une démarche calme et détendue, lorsqu'elle arriva sur le plateau, elle sourit au jury et celui-ci commença à lui poser des questions. La jeune fille y répondit de manière naturelle et fit une petite interprétation qui laissa bonne impression, ravie d'elle même, elle eut même l'audace de saluer à la fin. On lui fit savoir qu'elle devait revenir pour la prochaine audition, probablement parce qu'elle avait réussi.

Lorsqu'elle sorti du théâtre, heureuse de sa performance, elle ne remarqua pas une ombre qui s'était glissée derrière elle. La jeune fille marchait droit devant elle, fière. Elle sortit son téléphone de sa poche pour appeler Young-Jae et lui donner rendez vous au parc cet après-midi là. La surprise allait être difficile à garder, mais elle ne devait surtout pas parler ni de son nouveau travail, ni de son objectif. Alors que l'adolescente appuyait sur le contact pour téléphoner à son petit ami, une main sale se plaqua contre sa bouche. Elle lâcha son cellulaire portatif et roua son adversaire de coups de pieds. Mais soudain, Eline sentit son corps devenir mou et lourd.

« De la chloroforme... » pensa-t-elle avant de tomber dans les vapes.

Lorsqu'elle se réveilla, ses yeux mirent du temps à s'habituer à la lumière du jour. Eline se trouvait dans un sorte de cabane faite de taule ondulée moisie. Quelques ouvertures filtraient les rayons du soleil au dehors et lorsqu'elle voulut bouger, elle remarqua que ses mains étaient liées. La jeune fille entendait au loin un vague mouvement de circulation. Elle devait se trouver dans une ruelle proche du centre ville. Des pas crissèrent sur le sol sale et s'approchèrent de la cabane. Eline réprima un sursaut lorsqu'elle vit une main écarter un pan de taule.

- Eline... murmura le propriétaire de ladite main. Tu es enfin près de moi.

Elle souhaita répondre mais remarqua qu'un bâillon était attaché à sa bouche. Impossible d'articuler une seule phrase. L'adolescente chercha mentalement un échappatoire mais n'eut pas le temps de beaucoup réfléchir car son agresseur continua :

- J'ai tellement envie de te tuer. Si je ne peux pas t'avoir... personne ne t'aura. Mais d'abord, je vais te faire souffrir, pour que tu te souviennes même après ta mort de ce que tu as infligé à mon coeur.

Eline frissonna soudain, cette voix, elle l'a reconnaissait, c'était...

- Jack...

Il lui avait enlevé son bâillon et ces mots étaient sortis naturellement de la bouche de la lycéenne.

- Tu peux crier mais personne ne t'entendra, ricana le jeune homme en montrant sa tête.

Elle eut soudain une forte envie de meurtre mais respira doucement. Il fallait qu'elle se concentre.

Ses doigts bougèrent derrière elle et elle sentit quelque chose dans sa poche.

Son téléphone !

Elle se souvint alors du numéro qu'elle avait composé avant de tomber dans les pommes. Peut être Young-Jae était-il au bout du fil actuellement ? La jeune fille sentit l'espoir enfler en elle et décida d'en apprendre plus sur le lieu où elle se trouvait.

- Où sommes-nous ? demanda-t-elle en fixant son agresseur de ses yeux perçants.

- Pourquoi ? répondit Jack, sur la défensive.

- Je veux savoir à quel endroit je vais mourir... sanglota Eline de manière convaincante.

- On est près du Mcdo, tu sais... celui avec les murs roses.

- Ah... quel endroit peu charmant.

La jeune fille baissa les yeux et regarda ses pieds gelés. Elle avait tellement froid... Son corps entier frissonna.

Jack la regarda grelotter et finit par lui donner sa veste à contrecœur.

- Quoi ? murmura-t-elle, surprise.

- Tu avais l'air d'avoir froid... soupira-t-il en s'approchant d'elle.

- C'est vrai... Merci... chuchota l'adolescente, interloquée.

- Et si... on repartait de zéro ? Et si on s'aimait à nouveau ? Comme avant... Je pourrais te garder avec moi dans un endroit pour que tu ne puisses pas t'enfuir ? Ce serait la bonne solution et tu ne souffrirais pas.

Eline le regarda et reconnût ce regard qu'elle avait prit pour de l'amour mais qui n'était qu'une obsession malsaine.

- Pourquoi es-tu fou ? le questionna-t-elle de but en blanc.

- C'est une maladie mentale que j'ai développé... lorsque ma grand mère s'est suicidée devant moi, j'avais douze ans. Elle a pris un couteau, à sourit et s'est ouvert les veines du poignet en jouissant de plaisir. J'ai été dégoûté de son geste mais bizarrement, cela ne m'a pas choqué. Cette femme, la mère de mon géniteur qui m'avait élevé alors que ma mère était prostituée donc ne s'occupait pas de moi et que mon père semblait alcoolique depuis sa naissance s'était suicidée d'un coup. Sans prévenir, sans but, seulement par amour de la douleur. Cette illogisme a débloqué quelque chose dans ma tête. J'ai appris plus tard que nous avions à peu près la même maladie mais sous différentes formes.

L'adolescente resta bouche bée devant ces paroles, elle était horrifiée et ne comprenait pas pourquoi Jack parlait de sa vie si naturellement, alors qu'un drame s'était joué devant lui. La compassion lui serra le cœur et la terreur lui tordit les entrailles.

C'est alors qu'un pas rapide se fit entendre au dehors. L'agresseur d'Eline leva la tête et se précipita hors de la cabane. La jeune fille entendit un coup sec et une main écarta le pan de taule qui se trouvait devant elle.

- Young-Jae ? demanda-t-elle pleine d'espoir.

Mais ce n'était pas lui. Un garçon aux cheveux roses pâles et aux yeux foncés se tenait devant elle, la main tendue.