Chapitre 7: Une nouvelle amie

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Pour une fois, je me réveille en forme. J'ai dormi d'un sommeil réparateur, visiblement sans rêve et surtout sans cauchemar. Pleine d'énergie, j'ouvre les yeux d'un coup, quelques rayons de lumière se faufilent à travers la porte. Il fait déjà jour dehors. Comme à mon habitude, je file vers la douche pour pouvoir frotter ardemment chaque parcelle de peau qui constitue mon corps. Je ne serai jamais assez propre, le sentiment d'être sale ne me quittera jamais. Je le sais. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de me laver, encore et encore. L'eau chaude coule sur ma peau, pour beaucoup c'est une bonne sensation mais pour moi, ce n'est pas agréable. Ma peau est trop fine et trop fragile, ça me brûle facilement.

Je m'enroule dans une serviette propre à la va vite . Le miroir est plein de buée. C'est quand la dernière fois que je me suis regardée dedans déjà? Trop loin pour que je m'en rappelle en tout cas. Je me peigne les cheveux, me lave les dents en appuyant exagérément sur la brosse, crache le sang dans le lavabo causé par ce frottage trop vigoureux. Je prend le temps de me sécher, de m'habiller, de mettre ma crème hydratante (plus par nécessitée à cause de ma peau abîmée que par coquetterie). Une fois n'est pas coutume, je ne sais pas ce qui m'arrive, mais je prends le temps de me regarder dans le miroir qui est redevenu aussi net que lors de mon arrivée dans la pièce.

J'aurai pu être belle je pense, mais je suis trop abimée par la vie. J'ai un joli nez en trompette. C'est la seule chose que j'ai hérité de ma mère et j'en suis soulagée car je ne veux en aucun cas lui ressembler, de près ou de loin. Mes cheveux blonds -usés et cassants à force d'être trop lavés- et mes yeux noisettes me viennent de mon père. Ils sont marrons chocolats avec des touches de vert émeraude. Ils pourraient être magnifiques, s'ils ne reflétaient pas constamment l'inquiétude et le désespoir. Ils sont creusés également, cernés de violet, trahissant ma grande fatigue.  Ma bouche est assez sensuelle et pulpeuse mais malheureusement, mes lèvres sont desséchées car je les mordille souvent. Mes traits fins et harmonieux sont tirés et mon teint hâlé (bien moins que celui des Quileutes cependant) est terne et sans éclat.

Je me rend compte que la fatigue, la peur et la tristesse m'ont salement amochée. Je ressemble a une rose fanée trop tôt. Je fuis vite ce miroir qui me rend si malheureuse et je m'habille à la hâte avec les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Je n'ai aucun problème de choix car mes vêtements sont tous dans le même style. Sombres et bien trop grands. Rien qui ne peux laisser entrevoir mes formes, pourtant très harmonieuses.

Je me dirige vers la cuisine d'où vont bientôt émaner les odeurs habituelles de pancakes et d'œufs brouillés. Moi, je vais me contenter de boire un café sans sucre sous le regard réprobateur d'Emily et à celui inquiet de Sam. C'est devenu une routine.

Je suis très surprise cependant lorsque je pousse la porte du couloir car il n'y a personne dans la maison. Elle est totalement vide. Une note à mon intention est laissée sur la table. "Tu dormais trop bien, on ne voulait pas te réveiller, bonne journée Sam".

Je regarde la pendule du salon et je constate qu'il est 16h30. Et merde, les cours en ligne... J'ai dormi toute la journée! La panique s'empare de moi. Sam n'est pas de retour avant dix-huit heures et Emily est partie prendre le goûter dans sa famille. Il me reste donc un peu de temps pour travailler. Mon ventre grogne mais je décide de l'ignorer. Tu n'as pas faim. Je prend tout de même un verre d'eau au passage avant de me diriger vers l'ordinateur. Je suis arrêtée dans mon élan par le bruit de la sonnette.

Quoi encore?  Pourvu que ce ne soit pas Paul et ses amis. Je ne survivrai pas à une deuxième journée d'humiliation... Tu parles, tu ne penses qu'à lui depuis ce matin, se moque la voix.

J'ouvre la porte avec appréhension et je constate que je fais face à une jolie jeune fille. Cependant, un détail attire tout de suite mon attention: son tatouage est le même que celui de Sam. Mon cerveau fonctionne à toute allure et l'hypothèse la plus probable concernant Sam et son énigmatique comportement est qu'il fait parti d'une secte, ça expliquerait pas mal de choses.

"Bonjour, je suis Leah, la cousine d'Emily, elle m'a demandé de passer chercher le coulis de fraise qu'elle a oublié sur le comptoir de la cuisine, alors je suis là pour ça". Elle a dit tout ça d'une traite, pour me faire comprendre qu'elle n'a pas le temps de discuter. Elle parait franchement agacé par l'oubli de sa cousine. Décidément, ils sont tous énervés dans ce village ou quoi?

Contrairement à mon ressenti avec les hommes, je ne suis absolument pas peureuse avec les femmes, au contraire. C'est le foyer pour jeunes filles qui m'a donné cette leçon de vie. Je lui réponds alors sur le même ton: "ok je vais te chercher ça". Sans même prendre la peine de lui dire bonjour.

A ma grande surprise elle a l'air soulagée. Je ne sais pas trop pourquoi. On dirait qu'elle n'est tout simplement pas à l'aise devant cette maison.  Son agressivité ne vient pas de moi, de l'oubli d'Emily, il y a autre chose. Mais je ne vais pas m'en mêler. A moins que ça ait un rapport avec la secte de Sam. Auquel cas, ça me concerne car je n'ai absolument pas envie de me faire embarquer dans des histoires de fanatiques. J'ai déjà assez de problème comme ça.

Je m'apprête à partir quand j'aperçois dans la poche du short de Leah la forme d'un paquet de cigarette. L'envie est trop tentante. Je lui en demande alors poliment une. Elle semble hésiter. Elle doit savoir que Sam n'est pas pour. "ok" fini-t-elle par dire simplement.

Je ne sais pas pourquoi mais je l'apprécie. Elle me fait penser à Mila. Révoltée après le monde entier mais dans le fond, gentille. Je croise le regard de Leah alors qu'elle me tend un briquet et je remarque qu'il est semblable au mien. Ses yeux sont embués d'avoir trop pleuré et ses prunelles sont dénuées d'éclat. La vie n'a pas du lui faire de cadeau à elle non plus.

Je me sens étrangement à l'aise avec elle. On reste là, toutes les deux, sur le perron, à savourer notre cigarette dans un silence apaisant et complice. C'est bon d'avoir une amie. Calmos tu t'enflâmes, comme avec Paul , quand tu penses qu'il y a quelque chose entre vous. Pouffe la voix .Je me lève au bout d'un petit moment, pour aller chercher le coulis.

"Tu sais quoi?" Leah me coupe dans mon élan. "Ces goûters de famille sont tellement ennuyants, je ne vais pas y aller finalement. Ça te dis qu'on aille faire autre chose? On pourrai traîner à Forks..."

Je ne sais pas, j'hésite. J'ai vraiment envie d'aller avec Leah. Il fait beau et passer l'après-midi dans une maison vide à travailler me rebute. D'un autre côté, comme je ne suis pas sortie depuis plus de deux mois de la maison, je suis certaine que d'aller en ville sera pour moi d'une violence inouïe. Je n'ai pas réussi à aller plus loin que le jardin. Et quand j'ai vu trois personnes je n'ai pas su aligner deux phrases correctement. Alors, me mélanger à une foule, non merci.Et puis, Leah ne devrait pas négliger sa famille ainsi. Quand on a la chance d'en avoir une, d'avoir été élevée avec elle, on la chérit, rien d'autre. Mais ça, je vais bien me garder de le lui dire.

"D'accord" répondis-je mal assurée "mais je vais être honnête avec toi. Je suis un peu agoraphobe ces temps-ci et je préférerai faire un truc à La Push si ça ne te dérange pas..."

Leah part dans un éclat de rire. Je ne comprends pas vraiment pourquoi mais elle enchaîne "Forks est une petite ville Sarah... Mais si tu veux, ouais on peut faire un truc ici. Après, il n'y a vraiment rien de bien fou..."

"On peut peut-être aller voir la mer?" Depuis le temps,j'en meurs d'envie.

"Ok" elle ne semble pas enchanté. Elle ajoute: "tu devrais mettre un manteau, ça caille là-bas" En effet, le perron est abrité par le vent, je peux me permettre de n'être qu'en gros pull. C'est alors que je remarque qu'elle ne porte qu'un simple débardeur.

"Tu veux que je te prête un manteau du coup?"dis-je inquiète.

"Non merci, j'en ai pas besoin, moi" répond-elle avec assurance. Les paroles de Sam me reviennent soudain en mémoire, comme quoi certains Quileutes ont toujours chaud...Étrange, vraiment étrange.





Vu et revu [Paul Lahote]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant