Vu et revu [Paul Lahote]

Chapitre 12 tête à tête

Avec Quil et Jacob qui me bloquent le passage, je suis acculée, je n'ai d'autre choix que de les suivre.

Quil me prend doucement par le bras et commence son chemin vers le réfectoire. Il y a une queue monstre et je suis terrorisée. "Pitié Quil" dis-je en chuchotant. " tu ne peux pas me faire ça, j'ai peur de la foule et de manger devant des gens". "Ça va aller" répond-il d'un air mal assuré cependant. Je le regarde et je vois que son visage reflète une immense culpabilité.

Je tremble beaucoup dans la file d'attente, je suis entourée par mes trois gardes du corps. Il sont beaucoup trop grands et imposants et j'ai l'impression qu'ils dégagent une chaleur intense. Oh non, je me sens suffoquer. J'espère que je ne vais pas faire une crise d'angoisse, ici, là, maintenant.

"Relax, Sarah" murmure Jacob qui a visiblement senti ma détresse. "Tu es avec nous, il ne peut rien t'arriver" ajoute-t-il.  Le problème, c'est que je ne vous connais pas. 

Quil prend un plateau pour nous deux, je suis bien trop fébrile pour en porter un toute seul. J'entends des chuchotements sur notre passage. On doit vraiment passer pour un couple.

Jacob a eu la délicatesse de trouver une table contre un mur, éloignée du brouhaha ambiant.  Nous nous installons tous les quatre. Je ne veux pas paraître impolie mais je ne peux plus gérer mon stress, alors je sors mes écouteurs et un livre de mon sac. C'est une question de vie ou de mort. "Désolée", dis-je en regardant  Quil, un sourire contrit sur les lèvres". "Pas de problème on voulait parler tactique pour le prochain match" dit Embry toujours aussi bienveillant.

J'essaie de manger mais ce n'est pas facile, je suis trop prise par mes tocs,je pense sans arrêt à me laver les mains. Par chance, je dispose d'une solution de gel hydroalcoolique et je m'en tartine le plus souvent possible au cour du repas. Les garçons sont d'une patience infinie avec moi, car le plat est composé d'un mélange de légumes et je ne peux m'empêcher de trier les aliments, comme à mon habitude.

J'ai mis tellement de temps à manger, que, quand nous sortons, il est presque l'heure de retourner en classe. Je demande à mes nouveaux amis de m'indiquer le chemin de la bibliothèque et, comme je m'y attendais, ils m'y accompagnent.

"Tu es sûre qu'on peut te laisse seule?"S'inquiète Jacob "Tu avais quand même l'air sacrément secouée lors du repas". Je fais oui de la tête en essayant de prendre un air assuré.  J'ai dû avoir l'air convaincante car je les regarde qui s'éloignent en chahutant et rigolant.

A mon grand soulagement, la bibliothèque est clame et déserte. Je cherche un endroit où m'asseoir. Je suis très satisfaite du coin que j'ai trouvé, une table double mais isolée, à l'abri des regard. Je suis très fatiguée et je me repose sur la table, la tête dans les bras.

"Salut" dit soudain une voix connue.

Je lève la tête en direction de Paul qui est debout à côté de moi. "Je peux m'asseoir?" demande t-il en désignant le siège vide  à mes côtés.  Paul est plus beau que jamais. A côté des gens ordinaires de la bibliothèque, il se démarque vraiment. Pas étonnant que les filles lui tournent autour.

"Dure journée?" me demande-t-il de sa voix douce et roque à la fois. "Tu n'as pas idée" dis-je dans un souffle en passant ma main sur mon front. Il la saisi alors, inquiet. "Qu'est-ce qui t'est arrivée?" dit-il, les yeux grands ouverts. J'enlève brusquement ma main de la sienne afin de la cacher sous la table, honteuse. "Je n'ai pas pu me laver les mains ici, comme je le fais habituellement chez moi, alors j'ai utilisé du gel hydroalcoolique et j'ai du en abuser..." dis-je piteusement.

"Excuse moi, je n'ai pas voulu te mettre mal à l'aise" répond Paul gêné. J' hausse les épaules, cherchant à signifier que ce n'est pas grave. T'aurai pas pu parler? Personne ne réagit comme tu viens de le faire se lamente la voix.

Que fait-il ici, avec moi? Il n'était pas sensé être l'un des plus populaires du lycée? Dans le souvenir de mes séries Netflix, le plus populaire est sans arrêt entouré de ses amis et de sa petite amie, la capitaine de l'équipe de cheerleader, attendant d'être élu roi et reine du bal de promo.

"Du coup, je peux m'asseoir? J'ai ce devoir de maths à rendre tout à l'heure et je n'ai vraiment pas eu le temps de m'y mettre... "demande-t-il à nouveau. "Oui" réussi-je à articuler.

C'est difficile de me concentrer sur ma lecture avec lui à mes côtés. En plus, il n'a pas ses affaires et me demande sans arrêt d'emprunter les miennes. Il remet ma gomme dans ma trousse après chaque utilisation. Il se penche alors vers moi et je peux sentir son délicieux parfum d'homme et la chaleur qui émane de son corps. Une étrange sensation que je n'identifie pas se forme dans le bas de mon ventre dès que je le sens s'approcher de moi.

Je l'entend qui souffle, griffonne, gomme et soupire et je fini par lever les yeux, la curiosité prenant le dessus.

Paul me regarde en esquissant un mince sourire. "Désolé, je dois faire cet exercice sur la limite des fonctions et je n'y comprend rien".

"Je peux t'aider si tu veux" proposé-je à Paul, "j'ai justement lu un livre sur le sujet il y a peu". Bravo, en plus de passer pour une folle asociale, tu vas passer pour une intello... Ironise la voix.

Paul me regarde bouche bée avant de se ressaisir et de dire tendrement "oui bien sûr, tu me sauverai la vie". Je lis alors l'énoncé de son exercice et je constate avec soulagement que je sais répondre aux questions. T'aurai eu l'air de te vanter pour rien sinon.

J'essaie d'aider Paul de mon mieux mais ce n'est pas simple car il est facilement distrait. Je ne sais pas par quoi. Moi, par contre,je sais pourquoi je n'arrive pas à me concentrer. Sa proximité ne me laisse pas indifférente et pour la première fois de ma vie, j'ai très envie de prendre un homme dans mes bras. Je ne veux qu'une chose, c'est me blottir contre lui, nicher ma tête dans son cou afin de pouvoir respirer son parfum et sentir ses bras musclés m'enlacer tendrement. Il est beaucoup trop bien pour toi. Tempère la petite voix dans ma tête.

La sonnerie retentit et nous nous dirigeons vers la sortie. Paul est ravi car on a réussi à finir ses exercices dans les temps, il est même resplendissant. "Merci encore" dit-il alors qu'on franchit le pas de la porte. Son visage se ferme aussitôt lorsqu'il aperçoit Quil qui m'attend, adossé contre une colonne grise anthracite. " A bientôt" murmure Paul en partant au pas de charge. Je l'observe s'éloigner et envoyer au passage un regard assassin à son ami.

Quil à l'air aussi surpris que moi devant l'attitude agressive de Paul. "Qu'est ce qu'il a encore celui-là" bougonne-t-il.

"Vous n'êtes pas amis?" m'enquis-je.

"Si, de très bons amis même. On ne traîne pas avec le même groupe au lycée car je suis en seconde et lui en terminale mais à l'extérieur on est ensemble tout le temps." Répond Quil.

"Qu'est-ce qu'il a alors?" Demandé-je espérant ne pas paraître trop curieuse.

"Orf, c'est Paul, il s'énerve facilement, il ne faut pas chercher à comprendre."

Le reste de la journée se déroule comme elle a commencé, dans le stress et je ne suis pas mécontente lorsque cette dernière se termine.

Paul attend à la sortie de mon cours de littérature, un sourire ravageur sur les lèvres. Je me dis qu'il souhaite sûrement parler à Jacob qui assiste au même cours que moi.

Mais c'est bien dans ma direction qu'il se dirige et je me sens tout d'un coup très nerveuse. "Sam a eu un imprévu, il m'a demandé de te raccompagner chez toi." dit Paul en plantant ses yeux dans les miens.

"Ce que tu as accepté car tu es quelqu'un de serviable" se moque Jacob derrière nous.

Paul le foudroie du regard, il est très énervé. "Relax poto" dis Jacob sans se départir de sa mine moqueuse.

"D'accord" dis-je à la fois angoissée et heureuse de me retrouver seule dans un petit habitacle avec l'homme de mes rêves. Relax poto, il rend juste service à Sam ricane la petite voix.