Prologue: Sous la pluie

1.6K 96 17
                                    

Deku était seul sur le canapé commun de l'internat. Son téléphone à la main, il regardait les dernières informations sur les héros. Il atteignit la fin de la page sans apprendre quelque chose de nouveau, alors il tenta de la rafraîchir sans cesse en faisant couler frénétiquement son pouce sur l'écran, dans l'espoir que celui-ci fasse apparaître une nouvelle qui l'aurait occupé quelques minutes de plus.

Il déglutit. Il avait les mains moites, elles étaient si moites que son portable glissait sans cesse entre ses doigts. Son cœur battait fort dans sa poitrine, il tambourinait jusqu'à ses oreilles, c'était perturbant.

Izuku se leva brusquement et sortit pour rejoindre l'extérieur de l'internat, il avait besoin de passer un peu de temps dehors histoire de respirer un peu d'air frais.

Il faisait nuit, mais aucune étoile en vue; une odeur lourde et humide s'engouffra dans sa gorge lorsqu'il inspira, la pluie n'allait sûrement pas tarder. À mesure qu'Izuku s'avançait à l'extérieur, il marmonnait nerveusement des paroles sans queue ni tête, on passait de "et si je retournais dans ma chambre" à "zut j'aurais pu changer cette phrase sur le DM de la semaine dernière".

Pourquoi tant de stress? C'était compliqué à comprendre. D'apparence, aucune raison ne justifiait une telle pression. En fait c'était arrivé vendredi, juste avant qu'Izuku ne passe un weekend chez sa mère, Bakugo avait eu le temps de l'intercepter dès la sortie du cours:

"Hey Deku, j'ai un truc à te dire."

Cette phrase résonnait dans ses oreilles, mais Izuku était déjà parti, faignant ne pas avoir entendu ce que venait de lui dire Katsuki. Celui-ci le lui avait de nouveau rappelé dès le lundi matin en le regardant droit dans les yeux. Il ne pouvait plus faire l'ignorant, alors Deku lui avait proposé d'en parler le soir-même et c'était précisément maintenant. Entendre ces mots sortir de la bouche de Katsuki, d'un ton ferme qui sonnait clairement comme un ordre...Finalement il y avait peut-être de quoi avoir le cœur qui battait à mille à l'heure et les mains moites. Après tout la dernière fois que Katsuki lui avait sorti un truc dans le genre, c'était pour aller régler leur compte sur le terrain Bêta. En y repensant, ça sonnait bien, "régler leur compte", à croire que cette expression avait été créée pour eux.

Izuku secoua la tête en grimaçant pour chasser ses pensées qui lui faisait dire n'importe quoi, ça n'avait plus d'importance maintenant. Il ferait bien mieux de se concentrer sur sa future conver-

- Hey.

Izuku vit volte-face en direction de la voix; dans la surprise son ongle avait claqué entre ses dents, il venait de se rendre compte qu'il les rongeait. Et depuis un moment d'ailleurs, car une goutte de sang commença à perler au bout de son doigt. C'était soudainement devenu une source de divertissement très intéressante, bien plus que Katsuki qui se tenait devant lui. Il le voyait en arrière plan derrière son doigt, flouté par sa vision. Ah s'il pouvait le flouter dans la vraie vie...

- Oh! Je peux savoir ce que tu fais?

Izuku se reconnecta à la réalité et releva les yeux. Une telle pression pesait sur ses épaules qu'il eu peur de fondre en larme alors que rien ne le menaçait. Il réussit tout de même à articuler le plus sereinement possible:

- Ah, je suis sorti dehors parce que j'avais trop chaud, on peut rentrer si tu veux...

- C'est bon te fatigue pas." Katsuki s'avança, passa à côté de lui en l'effleurant du bout de l'épaule et s'adossa sur le tronc d'un arbre situé en face. Il avait les mains dans les poches et son visage était à moitié dissimulé par sa capuche. Son regard méprisant glissait de droite à gauche avant de finalement s'arrêter sur Deku.

Une dizaine de secondes s'écoula où aucun des deux n'échangèrent un mot. La pluie commençait à tomber, les gouttes se fracassaient sur le sol de plus en plus vite, mais les deux garçons y prêtaient à peine attention. Le cerveau de Deku tournait à vive allure: il était terrifié, il lui était impossible de prédire les paroles de Katsuki. Soudain, ce dernier baissa légèrement la tête et son regard, durant une fraction de seconde, laissa transparaître ce qui se cachait derrière sa carapace habituelle.

Lui aussi, il était terrifié.

Ce fut la première chose qu'Izuku comprit. La deuxième, c'était qu'il n'aurait jamais dû croire que Katsuki allait s'excuser. C'est vrai, cette pensée l'avait traversé et s'était encré dans son esprit, pourtant il savait que c'était insensé. Non, son ancien harceleur n'allait pas s'excuser parce que son égocentrisme ne lui permettait pas, ça sonnait comme une évidence.

Mais l'espoir ne se contrôle pas, et le refouler ne fit que l'attiser. L'imagination d'Izuku l'emmenait beaucoup trop loin beaucoup trop vite; il se voyait déjà aller dans les bras de son ami d'enfance en lui disant que oui, ces années de collège avaient beau avoir été une torture, il pouvait accepter ses excuses. Que malgré tout, ils pouvaient construire leur relation sur de nouvelles bases. Il s'imaginait tout ça parce que c'est toujours ce qui lui manquait, des excuses. Quoique en fait il ne les avait jamais vraiment attendus, seulement c'était plus fort que lui, il les souhaitait.

Ah...on dit que l'espoir fait vivre, pourtant il ne fut que le déclencheur d'une haine féroce.

Deux lits, une télé et un rideauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant