15. Les pliures

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Depuis un moment déjà, le crépuscule avait cédé à la nuit totale, la chambre dorénavant plongée dans une douce obscurité.

Katsuki venait de conclure la dernière phrase d'un long monologue, ses aveux maintenant terminés laissaient place à un tout nouveau silence, seulement interrompu par la vieille climatisation de la chambre qui bourdonnait quelque part derrière eux.

Malgré sa confusion, Izuku essayait tout de même de recoller les morceaux, de donner sens à sa réaction, à ce que Katsuki avouait pour la deuxième fois aujourd'hui.
Le plus jeune sentait d'ailleurs le regard vif de l'autre sur lui, sûrement avide de sa future réponse. Izuku au contraire fuyait tout contact, beaucoup trop refermé sur lui-même.

Outre son mutisme dû à la surprise, il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait dire après tout ça.
Car incapable d'anticiper les réactions de Katsuki, bloqué, chaque syllabe prononcée ou entendue sonnait pour Izuku comme un risque à prendre et à subir.
Ça ne lui était que rarement arrivé, surtout aux côtés de Katsuki, avec lequel les mots partaient bien souvent avant d'avoir été réfléchi.

Mais aujourd'hui il était abattu, écrasé par trop de nouvelles choses, et il ne savait pas par quoi commencer. Izuku devrait s'en réjouir, et pourtant tout ce que ça lui inspirait, c'était la peur.
Lorsqu'il était enfin prêt à dire quelque chose, il se ravisait tout de suite, soudain terrassé par les conséquences et laissait l'ange passer plus longtemps encore.

Il crût bien subir ce silence une éternité, si ce ne fut Katsuki qui le brisa de nouveau.

- T'es pas obligé de me dire quoi que ce soit.

Izuku se tourna vers lui, s'obligeant à affronter les iris ardentes de son camarade de chambre.

Mais il ne voyait plus ce qu'elles voulaient lui dire, de nouveau opaques, l'instant sur le toit semblait n'avoir été qu'un lointain mensonge.
Izuku aimait ces iris parce qu'elles reflétaient toute une vie, une vie qui lui plaisait à observer de loin. Il les détestait aussi, car lorsque c'était lui qu'elles regardaient, elles le déchiraient beaucoup trop fort.

- Je comprendrais si tu ne veux plus entendre parler de tout ça. Soupira Katsuki encore une fois, son regard reporté vers la grande fenêtre en face d'eux.

Puis ses yeux se fermèrent.

- Tout ce que je veux, voulais, c'était que tu sois au courant.

Izuku continua de l'observer, tout le comportement de Katsuki criant l'exact opposé de ce qu'il disait.
Ses sourcils froncés, ses doigts serrant la barre de la perfusion à s'en briser les os, son regard étendu loin devant lui.
Ces signes dont Izuku avait toujours été familier, il savait les traduire comme s'ils lui avaient été soufflés.

Je mens.

Donner autant de mal pour au final faire taire toutes ces choses, c'était complètement contradictoire.
Et malgré tout ce qu'il pouvait bien affirmer, Katsuki attendait désespérément quelque chose de lui, et Izuku n'osait même pas mettre de mots dessus.

Puisque Katsuki ne semblait rien vouloir dire de plus, Izuku n'insisterait pas.

La vielle ventilation s'arrêta un instant, allégeant le silence tandis que les bourdonnements désagréables cessèrent.
L'ambiguïté de l'instant favorisant la confidence, cette sensation de sûreté déliant sa langue, Izuku expira faiblement pour la première fois depuis un moment.

- Écoute, j'ai du mal à me dire que tout ça, c'est réel. C'est si brusque, j'ai...

Mais son résidu de courage se disloqua vite dès lors qu'il avait compris qu'il ne réussirait jamais à terminer sa phrase. Encore.

Deux lits, une télé et un rideauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant