14. L'inconcevable

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Un silence brute pesait sur eux depuis un trop long moment.
Familière, cette tension atteignait tout de même Katsuki qui, assis sur un tabouret posé là, cherchait ses mots parmi les nuages dans le ciel nocturne.

Son propre reflet l'embêtait un peu, s'obstinant à lui montrer toute l'étendue de son ridicule.

À peine son esprit envisageait-il d'ouvrir la conversation, qu'il était pourtant contraint de subir, que de nouveau le stress annihilait sa fausse indifférence. Ses doigts discrètement enfoncés dans son fin habit d'hôpital, il gardait un vain espoir que Deku ne verrait rien, toujours aveuglé par la barrière que Katsuki s'efforçait de maintenir.

Incapable de l'abaisser, il la subissait lui aussi. Un mensonge qu'il avait déjà senti passer à de nombreuses reprises, sa maudite perfusion fièrement dressée à côté de lui le lui rappelait assez bien.

Il l'enlevait demain, et à vrai dire il n'attendait que ça. Partir, fuir d'ici, comme Deku le lui avait si bien reproché.

Mais il refusait de laisser le mystère là où il l'avait abandonné, et laisser pourrir la vérité loin dans les abîmes de l'oubli n'était pas une bonne idée, abîmes qui recracheraient tout à un moment ou un autre, de toute manière.

Les nuages ne lui inspirant rien, son regard se détourna en direction de son reflet, puis, inévitablement, de celui de son voisin.

Son doigt fraîchement pansé grattait encore l'accoudoir. Deku s'obstinait vraiment à se vider de son sang, apparemment.
Ses yeux s'accrochaient à une chose invisible quelque part dehors, sûrement cherchait-il à assembler des phrases lui aussi.

Le voir aussi passif énerva aussitôt Katsuki, toute résolution aussitôt envolée.

- Qu'est c'que t'attends ?

Haïssant d'emblée les mots fatalement prononcés, il regretta immédiatement le ton de sa voix, qu'il n'avait même pas eu le temps de choisir.

Qu'il détestait ses phrases, toutes formulées maladroitement, passant par un filtre dont il n'avait plus aucun contrôle.
Le regard surpris d'Izuku décupla sa culpabilité, lui chuchota sa faiblesse, celle de vouloir être trop fort.
Et le pire, c'est qu'essayer de rattraper le coup ne faisait que l'enfoncer.

Ses sourcils se fronçant un peu aussi, Deku tenta de renchérir, mais Katsuki redoutait tant ses paroles que les supporter lui semblait impossible.

- De quoi tu...

- J'pense que t'as le droit de savoir.

Au final, Katsuki n'avait plus grand-chose à perdre.

Soupirant un bon coup, il choisit une dernière fois ses mots, ceux qui entameront un monologue aussi douloureux que nécessaire.

- Lundi soir. J'ai du mal à croire que tu t'en souviennes pas.

Katsuki laissa son regard se perdre une nouvelle fois derrière son reflet.

- Je trouvais ça trop irréel, trop beau pour être vrai, et je sais toujours pas si c'est un cadeau ou une punition.

Il devinait l'agitation de Deku juste à côté de lui et, le sentant prêt à souffler une phrase, il l'intima d'un doigt levé dans sa direction de ne pas l'interrompre alors que sa langue se déliait enfin.

C'était il y a presque une semaine maintenant.

Même si Katsuki avait initialement pour but de tout dire à Izuku le vendredi, le destin le poussait à s'avouer pendant le pire jour de la semaine.

Il malmenait un bout de papier entre ses doigts, dissimulé dans la poche de son sweat.
Oui, il était stressé, mais il faisait tout pour ne rien laisser paraître et, parce qu'il avait l'habitude, il était persuadé que c'était réussi.

Deux lits, une télé et un rideauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant