Chapitre 4-38e semaine d'aménorrhée MIA

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— Et dire que c'était notre toute dernière sortie toutes les deux !

J'essaie de prononcer ces mots de la façon la plus détachée possible mais je me rends compte que ma fausse gaité ne se communique pas. À mes côtés, Nauz reste silencieuse et se contente de balancer son sac en papier rempli de fringues de chez Darryl's Boutique. Mon ami a laissé son fils à son papa et a improvisé une dernière virée shopping avant son départ prévu pour demain matin. J'ai tenu à l'accompagner se choisir des tenues élégantes pour occuper le poste de vendeuse dans la boutique de Denzel mais surtout pour profiter de sa présence une dernière fois.

Si nous avons passé notre temps à faire les folles, à se prendre en photo et à nous raconter les derniers potins, au fur et à mesure que le moment de se séparer se rapprochait, notre gaité s'est amenuisée pour finir par complètement disparaitre. Alors que ma petite plaisanterie flotte encore autour de nous, nous savons toutes les deux qu'il est temps de nous séparer. Nous nous considérons, un sourire identique sur les lèvres.

— Dire que tu vas fêter Thanksgiving dans un avion, prononcé-je sans délivrer Nauz de mon regard qui tente de l'imprimer à jamais dans mon esprit.

— Oui. Dinde froide et purée de patates douces sous vide. J'en salive d'avance, laisse-moi te le dire.

Nous rions mais cette fois, cela ne dure pas plus de cinq secondes.

— Je vais devoir y aller, couine Nauz en grimaçant un rictus.

Je ne trouve pas la force de lui répondre mais uniquement celle de l'enlacer. Très fort.

— Je ne veux pas te laisser, murmure-t-elle à mon oreille. Demande-moi de rester, ma poulette*.

— Il en est hors de question et ça c'est juste la millième fois que je te le répète, p'tite tête !

C'est vrai. L'accouchement n'est prévu que pour dans deux semaines et d'ici là, Nauz sera revenue finaliser leur départ. Il est prévu qu'elle reste un peu avec moi pour m'aider dans mes premiers pas de pouponnage.

— Tu m'entends ? lui dis-je. Tu t'en vas découvrir une autre vie, là-bas et puis tu me prépares le soleil et la plage ! Je compte sur toi !

— T'inquiète Poulette* ! Je te mets ça aux petits oignons. Et quant à toi...

Elle s'agenouille pour mettre en garde ma future progéniture qui joue au punching-ball dans mon ventre.

— ...tu m'attends sagement ta Tatie Nauz pour pointer le bout de ton nez, c'est compris ? Attention si tu désobéis, tu sauras qu'il ne faut jamais me contrarier !

La future « Tatie Nauz » tapote gentiment mon ventre avant de se redresser. Nous nous étreignons une dernière fois avant de nous séparer. On aurait pu faire ça à l'aéroport mais ma meilleure amie m'a formellement défendue de me « pointer à cinq heures du matin avec un bambin sur le point de m'exploser le bide ». Elle préfère que je dorme et que je me repose.

— Tu vas faire quoi après ? me demande-t-elle alors que son taxi approche.

— Je vais finir d'acheter deux ou trois choses pour le repas de demain. Tu sais que ma mère m'a convaincu d'inviter mon paternel, soi-disant pour le sortir de son appartement...

— Et...et il ne vient pas ce soir-là ? Je ne parle pas de ton père.

Inutile de le nommer, Nauz fait référence à Raphaël. Ces derniers temps, il a enchainé les visites de son vignoble de Napa, les réunions avec les clients et les visioconférences interminables avec la France. Même s'il reste protecteur et attentif, je ne peux nier qu'il est moins présent et que c'est avec Nauz que je me suis rendue à ma dernière échographie. J'ai réussi à ne pas m'effondrer ce jour-là car l'obstétricien remplaçant qui pensait qu'il avait affaire à un couple lesbien s'est fait rembarrer par Nauz qui lui a répondu qu'il fallait qu'il arrête de regarder YouPorn entre deux rendez-vous.

My sweet baby-sitter/ Sortie prévue sur Amazon en juillet 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant