Chapitre 3

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Voilà deux jours que Sarah n'a pas bougé de l'appartement, si ce n'est pour aller chercher des cigarettes que Ju refuse de lui acheter. Elle traîne toute la journée à pleurer et à réfléchir à la situation. Ses parents, si elle peut encore les appeler comme ça, n'ont pas essayé de la rappeler ou de revenir. Le message a dû être assez clair. Elle s'en veut tout de même de les laisser dans le flou. Elle sait que ce doit être difficile pour eux aussi. Pendant ces deux jours, elle s'est repassée en boucle dans sa tête : la découverte du secret, la confrontation en pleine nuit avec ses parents et aussi les meilleurs moments de son enfance. Ces souvenirs sont bien là et ne doivent pas être remis en question elle le sait, mais elle ne peut s'empêcher de se poser des milliers de questions sur ses origines. D'où vient-elle ? A-t-elle encore ses vrais parents, vivants quelque part ? Peut-être non loin d'ici. Quand elle voyait des films abordant ce sujet, elle a toujours trouvé ça étrange que les enfants adoptés se sentent obligés à chaque fois de remettre en question leur vie. Elle s'est souvent dit que si ça devait lui arriver, elle continuerait sa vie sans remuer ciel et terre pour connaître ses origines. Mais dans la réalité, ce n'est pas si simple. Elle aimerait savoir. Depuis l'autre soir, elle a comme un vide qu'elle n'arrive pas à combler, un vide incontrôlable qu'elle se maudit de ressentir et qui va finir par la conduire à sa perte. Elle doit se ressaisir... Elle doit se marier dans deux mois et ne peut pas continuer à repousser éternellement les rendez-vous pour les préparatifs.

Heureusement, elle ne travaille pas pour le moment. Titulaire d'un master en psychologie, elle vient de finir plusieurs CDD au sein de la clinique près de chez elle, dans le service soin palliatif. Très difficile, car elle était là pour soutenir les familles. Chaque préparation au deuil est tellement différente. Elle est ravie de se rappeler que dans trois mois, elle commencera dans un nouveau cabinet où sa candidature a été acceptée. Un cabinet loin des soins palliatifs où elle aura des habitués.

Cette pause de trois mois va lui permettre de se ressaisir et de continuer les préparatifs du mariage qui arrive à grands pas. Il aura lieu mi-juillet. Elle repense à tout ce qui lui reste à faire, tout ce qui a déjà été prévu. Elle ne sait plus, maintenant, si elle a envie de se marier sans se connaitre elle-même. La jeune femme secoue frénétiquement la tête pour repousser cette idée, quelle honte d'envisager de faire ça à Ju !

Après sa sortie rapide pour aller au tabac elle s'arrête pour vider la boîte aux lettres bien remplie. Ju est toujours plein d'attention pour elle, mais pour ce qui est gestion et tâche ménagère .... Hmm... Elle a abandonné l'idée de le changer. Elle découvre une montagne de courriers et de publicités datant de plusieurs jours. Récupérant l'ensemble, elle regagne l'appartement pour s'y terrer jusqu'au retour de Ju.

Leur appartement n'est pas gigantesque mais suffit largement pour un couple sans enfant. Il se compose d'une entrée spacieuse permettant des rangements pour leurs multiples chaussures, d'un grand salon salle à manger avec deux portes à chaque extrémité donnant accès à la salle de bain et à leur chambre. Une baie vitrée occupe le mur face à l'entrée, avec un accès à un balcon minuscule juste assez grand pour permettre à Sarah ses pauses cigarette. La décoration est très minimaliste. La jeune femme n'a jamais été du genre à accumuler des objets inutiles si ce n'est sa collection de DVD qui remplit une bibliothèque et évidemment ses livres de romances qui prennent aussi une grande place. Elle adore ça et l'assume complètement au grand plaisir de son homme. Il faut être honnête, ce type de lecture échauffe souvent les jeunes femmes.

Une grande enveloppe marron au milieu du courrier attire son regard. Fronçant les sourcils, elle la retire du tas. Ce pli lui est destiné et arbore une belle écriture:  sa mère. C'est bien l'écriture de sa mère. Elle a tellement essayé de l'imiter étant adolescente qu'elle la reconnaîtrait entre mille. Ouvrant délicatement l'enveloppe, elle en sort une lettre manuscrite et une plus petite enveloppe. Installée confortablement dans le canapé, elle s'attarde tout d'abord sur la lettre.

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