VI - De retour avant la fin de journée

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J'ai vaguement repensé à mon enfance. Je suis fille unique, alors mes parents ont toujours été aux petits soins avec moi.  Je ne pense pas avoir vécu une enfance malheureuse, bien au contraire. J'ai connu très tôt Hugh et Kyrsten, mes parents vivaient aisés, j'avais tout ce dont j'avais besoin.

J'ai comme l'impression que vivre à Corvil était clairement une sécurité. Depuis que j'ai pris le bateau pour me rendre au Nord, tout s'écroule autour de moi. Comme si je n'avais tout simplement plus aucun contrôle sur ma vie, sur les autres et sur moi-même.

Dans ce premier rêve que je fais, je vois de l'eau, beaucoup trop d'eau. Des vagues, elles remuent et forment de la mousse. Du sable... des arbres morts, sans feuilles, totalement décharnés sur une sorte d'île où l'orage gronde, où le vent souffle, du moins c'est ce que je crois...

— Iom Erebil...

Puis j'ouvre finalement les yeux. J'inspire profondément par le nez et fixe le plafond au dessus de moi. Je crois sentir mes pupilles se dilater à la lumière et je suis également soulagée de revenir à la réalité.

— Elle est réveillée ! Crie une voix enfantine.

Je tourne doucement la tête sur le côté et lorsque je souhaite me redresser après avoir fait face à un enfant à peine âgé de dix ans, un homme pose sa main sur mon épaule pour m'arrêter.

— Reposez-vous jeune fille, vous en avez besoin. Tenez, buvez ceci.

Il me tend un bol fumant que je prends entre mes mains. Je le renifle, je crois bien qu'il a mis des herbes, il a même dû en mélanger plusieurs avec quelques épices. Je n'arrive pas vraiment à distinguer ce que c'est...

— Buvez, allez.

Je bois une gorgée de sa mixture et grimace légèrement. C'est très fort, autant que de la liqueur.

— Qu'est-ce que c'est... ?

— Je fais pousser mes propres plantes, la Terre et moi, nous ne faisons qu'un. Elle peut me donner ce que je veux, quand je veux et la plupart de mes petites potions, comme j'aime les appeler, permettre à mes patients et amis, de se remettre plus ou moins vite de leurs blessures.

Il me dit cela puis tend sa main fermée vers moi. Doucement il ouvre un doigt puis l'autre jusqu'à ce que sa paume soit tournée vers le plafond et qu'une fleur n'en sorte. Sa tige s'allonge, ses feuilles se dressent puis enfin, elle bourgeonne et s'ouvre pour dévoiler de belles pétales jaunes et violettes...

— Vous êtes un Enchanteur...

— Tout à fait, dit-il en calant cette jolie fleur dans mes cheveux.

Il arbore un visage marqué et un petit peu plus âgé que mes parents. Peut-être a-t-il une cinquantaine d'années. Ses cheveux sont roux, ses yeux verts et son teint est plutôt matte. Je bois alors tout le bol d'un trait et baisse les bras pour le regarder. Ensuite je détaille la pièce. Je suis sur le canapé d'un salon plus ou moins sombre où plein de babioles sont empilées les unes sur les autres. Sur un fauteuil couvert de vieux livres, je reconnais le manteau que Hélène m'avait dégoté.

— Où est l'homme qui était avec moi ?

— Il vous a emmené ici et m'a averti qu'il avait besoin de prendre l'air. Est-ce votre petit ami ? Il avait vraiment l'air en colère.

Je secoue la tête.

— Certainement pas.

— Votre frère peut-être ? Vous avez tous les deux les cheveux noirs et c'est si rares...

— En fait, on ne se connaît pas vraiment...

— Moi je crois que le monsieur était gentil ! Intervient le petit garçon assis sur une chaise à côté de moi.

Invocatrice de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant