XII - Le bidonville

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Nous ramons, mais nous sommes rarement en rythme. Lorsque deux d'entre nous lèvent la rame, les deux autres la plongent dans l'eau. Ce qui fait que la barque stagne au beau milieu de l'océan. Tristan a dit que nous pouvions rattraper les bidonvilles par la mer cependant cela semble impossible d'y arriver vu notre organisation désastreuse.

— J'arrête ! J'en ai assez ! Proteste Andreï.

Il jette la rame dans la barque et essuie son front. Il sue, alors que le ciel est gris clair, que quelques flocons continuent de virevolter au dessus de nous, cependant nous avons chaud à cause des efforts que nous faisons.

— Reprends ta rame petit prince, nous ne sommes pas encore arrivés.

— À quoi bon ? Nous ne te connaissons pas toi, espèce d'imposteur ! Nous te suivons aveuglément, et tu nous emmènes droit sur les bidonvilles, droit sur l'ennemi.

— J'ai besoin de ce manteau et si votre château était si bien gardé comme tu le prétends, alors nous n'en serions pas là.

— Pars donc chercher ton manteau tout seul, je peux m'occuper de Chloé.

— Certainement pas, que ferais-tu pour la protéger ? Ta jambe est cassée, tu es frêle, un simple humain, sans force, sans connaissances...

— Je suis bien plus cultivé que toi ! J'ai accès à une immense bibliothèque qui contient une centaine de milliers de livres, tu ne peux pas en dire autant.

— Arrêtez... grommelé-je. S'il vous plait... ce n'est pas le lieu ni le moment pour des querelles puériles.

Hélène fixe l'horizon, il fait nuit noire, il y a de la brume blanchâtre autour de nous. C'est silencieux ici, seul le clapotis de l'eau sur la barque nous rappelle que nous flottons au milieu de nulle part. En plissant les paupières et en nous concentrant sur l'horizon droit devant, nous pouvons apercevoir les lumières chaleureuses des bidonvilles. Mais cela semble encore si loin.

— Retrouvons le manteau, allons voir cette femme "Esmeralda" et réglons la situation, reprends-je.

— Comment régler cette situation ? souffle Hélène qui se tient à ma gauche, derrière le prince.

Moi, je me trouve derrière Tristan.

— Je n'en sais rien...

— Peut-être que le prince a raison, les gardes pourraient nous aider...

— Merci ! grogne Andreï.

— Vous avez raison, grogne Tristan, allez-y, livrez Chloé aux gardes du roi et voyons ce qu'ils lui feront !

Il pose sa rame et se tourne vers nous, je peux alors voir ses yeux aux deux couleurs différentes. L'un me fait penser à un serpent ou un lézard, l'autre est bleu océan. Une mèche de cheveux noire retombe sur son front pâle.

— Les Êtres comme Chloé ne sont pas les bienvenus au sein du château, alors petit prince, souhaites-tu qu'elle se fasse enfermer au fond d'un cachot ou pire encore... qu'on l'enferme dans une cage scellée par le sort d'un Enchanteur et qu'on la jette dans l'Océan ou bien qu'on l'envoie au bout du monde ? C'est cela que tu veux pour ta dulcinée ?

Je jette un regard au prince qui semble dubitatif, perdu dans ses pensées, les lèvres pincées.

— N'as-tu pas soif d'aventure, petit prince ? insiste Tristan.

Le prince relève ses yeux noisettes vers lui.

— Ou bien es-tu si lâche, comme ton père ?

Invocatrice de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant