IX - Ombre Obscure

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— Il faut que l'on sème ce monstre ! Crié-je.

— Non ! Tu dois le rappeler ! C'est à cause de toi qu'il est là !

Après que Tristan m'ait hurlé cela, la chose s'accroche au bâtiment sur notre gauche puis se laisse tomber sur le sol juste devant nous tandis que les gens présents hurlent et se réfugient où ils peuvent. Je tire les rennes pour arrêter mon cheval et fixe la créature devant nous. Hélène reste accrochée à moi, je peux même la sentir trembler tant elle est terrifiée.

— Ne bouge plus... me murmure-t-elle.

L'Ombre Obscure reste elle aussi immobile, elle hume l'air et le bruit d'une ruelle voisine l'attire aussitôt. Elle saute sur le mur, laisse des traces de griffes, puis s'accroche au toit de la maison avant de disparaître derrière, laissant tomber quelques tuiles sur le sol. Je relâche mon souffle, et les autres aussi. Tristan se rapproche de moi, les rennes du cheval dans les mains et le prince derrière lui. D'ailleurs, Andreï arbore une mine inquiétante. Je pense que cela est dû à sa blessure qui doit le faire atrocement souffrir. Il transpire à grosses gouttes, ses yeux noisettes sont cernés et creusés.

— Rappelle cette créature, ordonne Tristan d'une faible voix pour ne pas faire de bruit.

— Je n'ai rien fait, je te dis que je ne peux...

— Tu as bien vu ce que tu as fait à la grille, souffle Hélène.

— Enfin quelqu'un de censé ici, grommelle Tristan.

— Je ne sais pas faire...

— Il faut que vous nous sauviez Chloé... marmonne le prince.

Je lui jette alors un regard.

— Peu importe ce que vous êtes, l'important c'est de sauver cette ville, ses habitants, et nous.

Je sens mon cœur s'accélérer, ma peur prendre le dessus. Je dois arrêter cette créature alors je descends du cheval, doucement, peu sûre de moi. Tristan descend lui aussi. Je dois également prouver au prince que je suis une bonne personne.

— Vous deux restez là et ne faites pas un bruit.

Nous marchons dans la ruelle à notre droite, doucement comme si nous avancions sur du verre, la créature est dans la rue derrière le bâtiment, elle ne fait rien du tout. Elle est immobile, la brume autour d'elle semble virevolter comme de la fumée et chaque mouvement qu'elle fait, cette brume la suit comme son ombre. De toute façon, nous les appelons les Ombres Obscures pour la simple et bonne raison que leur peau est totalement noires comme le charbon, comme les ténèbres et lorsqu'elles se déplacent, elles peuvent être silencieuses comme des ombres.

— Vas-y, chuchote Tristan. La dernière fois, la chose t'avais attaquée et ton corps l'a avalée.

— Mais si ça ne fonctionne pas ?

— Allez, vas-y !

Il me pousse dans la ruelle. Je titube en avant et mon pied heurte une boîte de conserve. Cette dernière roule dans un fracas métallique qui semble dupliqué à cause du silence régnant dans le quartier. L'Ombre se tourne aussitôt vers moi, rugit et se jette sur moi. Je ferme les yeux, raide comme un piquet. Je songe soudainement à ma vie, comme si j'étais sur le point de mourir. Je songe un instant à Kyrsten et Hugh, mes deux meilleurs amis et je me demande si je les reverrai un jour, je songe à mes parents, à ma belle petite ville. Une ville que je n'aurais jamais dû quitter pour Panterm.

La chose s'arrête devant moi, elle ouvre grand sa gueule et me rugit en plein visage. Si fort que mes oreilles se bouchent avant que, sans le contrôler, je hurle moi aussi, les poings serrés. Et finalement, la chose est comme aspirée, je ne pense pas savoir comment je le fais mais elle entre dans ma bouche, elle et sa brume. Je ressens une vive douleur dans les poumons, mon sang qui circule à toute vitesse et une vague d'énergie qui me fait trembler de tout mon être.

Mon cri s'arrête au moment où la créature a totalement disparu. Je referme la bouche, essoufflée, la tête me tourne et je fixe un point droit devant moi. J'entends les pas de Tristan. Il se poste devant moi et pose ses mains sur mes épaules. Je sens des larmes rouler sur mes joues.

— Tu m'entends ?

Sa voix me semble incroyablement lointaine.

— La sorcière ? Tu m'entends ?

Je cligne plusieurs fois des paupières et je le vois, arborant le visage d'un autre homme. Un homme aux longs cheveux noirs, aux yeux bruns, à la peau blanche et un sourire au coin des lèvres.

Iom Erebil...

— Lâche-moi !

Je le repousse et lui tourne le dos, je vais pour avancer mais je titube et tombe à la renverse. Tristan me rattrape à temps, je croise son regard. Ce n'est plus cet homme étrange mais bien lui et ses yeux aux deux couleurs différentes. Puis je me sens partir, sans pouvoir lutter.

C'est le trou noir.

C'est le trou noir

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Invocatrice de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant