Lundi 17 avril 2017

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Comment peut-elle dire une chose pareille ?

Je traverse la rue à pas de géant. Les voisins doivent me regarder bizarrement. Que pourrais-je bien faire dans mon quartier, courant presque, pendant les heures de cours ?

Elle sait ce que je traverse. Elle sait ce que je ressens et elle s'en sert contre moi.

Depuis la scène du lycée, mon mal de ventre ne me quitte pas.  Il me brûle, se tort et ma nausée revient.

Jamais elle n'en parlait, avant, alors pourquoi maintenant ?

J'aperçois la porte d'entrée de la maison.  j'ai déjà sorti les clés.

J'entre, je jette mon sac et je monte illico dans ma chambre.

Je me rends alors compte de l'étendue de ma crise de nerfs là-bas. Ma mère va me tuer.

Comment me calmer ?

Inspire, expire. Inspire, expire.

Je vais attendre que mes douleurs s'apaisent. Il faut que j'arrête de réfléchir. Il ne sert à rien de m'énerver.

Les images se bousculent dans ma tête. Miki, le collège, mon père... Mon père. Ces souvenirs que j'enfouissaient en moi pour ne plus devoir les supporter.

Progressivement, une idée s'immisce en moi. Un besoin, celui d'ouvrir à nouveau la petite boîte cachée au fin fond du tiroir de mon bureau.

Voilà des années qu'elle s'y trouve. Des années qu'elle prend la poussière. Tous ces souvenirs qui remontent à la surface...

Ça m'effraie. Je ne veux pas raviver la douleur.

Mais ça m'attire en même temps. Jusqu'ici, j'avais réussi à oublier la boîte. Aujourd'hui, elle m'appelle.

Je vais ouvrir le tiroir. Est-ce vraiment une bonne idée ?

Je sors la boîte.

"Souvenirs de papa"

C'est écrit en grosses lettres sur le couvercle. Je reconnais mon écriture à onze ans. On voit aussi des traces de larmes, qui ont fait baver le "p" de "papa".

Je me rappelle que voir son nom ainsi gâché m'avait fait pleurer de plus belle.

Je trouve pas mal de choses.

Quelques jouets, offerts pour mes anniversaires. Une peluche.

Je la prends dans mes mains. Elle ressemble à un tigre, mais monté sur deux pattes. Deux boutons noirs lui servent d'yeux et on voit les coutures.

Mon père et moi l'avions confectionné ensemble. Cela nous avait pris plusieurs semaines — aucun de nous deux ne savait coudre.

Je vois aussi beaucoup de lettres. Elles datent toutes de la même période.

Celle des vacances passées au Portugal avec mes grands-parents. Mes parents, eux, ne pouvaient pas venir avec nous. A cause du travail.

je leur écrivais donc le plus souvent possible. Papa répondait toujours.

Je sèche mes larmes et ouvre une lettre.

"Bonjour ma Kelly,
J'envie ton soleil car ici il y a eu de gros orages. Mais la semaine prochaine sera bien meilleure. Tu parlais de ta récolte de cailloux, tu nous les montreras en rentrant ! Mais n'en prends pas trop quand même, il faut bien que tu puisses marcher sur quelque chose...
A part ça tout va bien ici, on n'a pas grand-chose à raconter...
Ta mère et moi t'embrassons très fort,
Ton papa qui t'aime."

Je souris. J'avais oublié ma "récolte de cailloux". J'en avais rapporté une dizaine, et voulais en prendre bien plus, seulement mamie me l'avait interdit.

D'ailleurs, en fouillant dans la boîte, je les retrouve.

Que ne faut-il pas avoir comme idée !

Je vois quelque chose en dessous des pierres. On dirait...

Une photo. Oui, c'est bien une photo. Je la sors.

Et mon cœur se serre. Papa et moi, debout côte à côte, sourions. Nous ressemblons à de vrais vacanciers avec nos bobs et nos shorts.

Maman avait tenu à prendre la photo. Elle voulait absolument tester son nouvel appareil.

Une vieille caméra d'époque, qui imprime les photos au moment où on les prend avec des teintes décolorées.

Je vois très distinctement la grotte derrière nous. On dirait un gros trou noir qui ne demande qu'à nous happer.

Ma mère avait raison ce jour-là. Cet endroit est dangereux.

"N'y allez pas !" crie une voix dans ma tête

"Kelly !"

Puis je me souviens.

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Ho Ho... Mais que c'est il donc passé ?

Par Le PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant