Mercredi 24 avril 2017

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"Prends ta feuille et va t'asseoir."

Le pion ne me regarde même pas. Il semble aussi ennuyé que nous autres élèves à l'idée de passer cette heure de colle. Je prends une place au fond de la salle et observe la fiche de travail quand Miki entre à son tour.

" Tu es en retard, jeune fille.

- Pardon."

Je l'ignore et me concentre sur mon travail. Il consiste en une jolie panoplie d'exercices tous plus difficiles les uns que les autres sur plusieurs matières. Alors je commence à travailler. De toute façon je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre.

Personne  ne dit rien pendant une bonne dizaine de minutes, puis, j'entends murmurer un discret :

"Tu peux me passer une gomme ?"

Il me faut quelques secondes pour réaliser qu'il s'agit de Miki, puis d'autres encore pour comprendre qu'elle s'adresse à moi.

Assise juste à côté de moi, penchée sur sa table, Miki me regarde fixement. Je lui donne une vieille gomme rose toute abîmée et retourne à mon devoir.

Je me crois alors de nouveau tranquille pour l'heure, mais alors elle reprend :

" On s'ennuie pendant les heures d'étude, hein ?"

Mais que lui arrive-t-il ? Chercherait-elle à m'énerver ?

"Tu peux me parler, tu sais. Je vais pas te mordre."

Son comportement me met mal à l'aise. Je ne réponds pas. J'ai l'impression qu'elle se cherche des ennuis.

Quand j'y repense, voilà bien longtemps qu'on ne s'adresse plus la parole de cette manière. Depuis le début du collège, en fait.

Je ne sais pas s'il y a une méchanceté que je n'ai pas comprise, aussi j'appréhende le reste de l'heure.

Mon Dieu, sortez-moi de là.

"Hé. Tu te rappelles quand on est allées au coin toutes les deux, en primaire ?

- Sans doute.

- Ça m'y fait penser. Même si, bon, maintenant, on ne... Hé. Tu m'écoutes ?

- Moi je t'écoute. Taisez-vous si vous ne voulez pas gagner une heure de retenue supplémentaire."

Place au silence. Enfin.

L'avantage avec Miki c'est qu'elle ne se risquerait pas à provoquer un supérieur.

Mais maintenant je l'entends qui commence à s'agiter sur sa chaise. Un coup elle croise les jambes, un coup elle les tend, puis souffle, écrit, recoiffe ses cheveux...

Toute cette impatience devient vite agaçante.

"Au fait, je voulais te dire...

- Tu veux pas arrêter de t'agiter sur ton siège ? S'il te plaît ?

Miki me regarde, vexée, la bouche grande ouverte et le rouge qui lui monte aux joues au fur et à mesure qu'elle la referme.

"Très bien, réplique-t-elle, furieuse. Si tu ne veux pas entendre ce que je veux te dire, tant pis pour toi. Tu ne changeras jamais, on dirait.

- Que veux-tu dire par là ?

- Je veux dire que tu es trop rancunière pour te rendre compte que quelqu’un essaie de se comporter gentiment avec toi ! Ce défaut ne te quittait pas non plus, au collège !

- Et toi, je murmure avec hargne. Tu crois pouvoir me faire la leçon ? Ne fais pas passer ton hypocrisie pour de nobles sentiments ou que sais-je encore.

- Chut !"

Me voilà bien audacieuse.

J'appréhende un instant sa réaction mais elle se contente de bouder, et, refusant désormais tout contact visuel avec moi, se retourne de façon à ce que je ne vois plus que son dos.

Son comportement puéril me ferait presque rire si je n'avais pas l'habitude d'en subir les conséquences.

Heureusement, aujourd'hui, on dirait que je suis parvenue à obtenir un peu de répit.

Par Le PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant