Métamorphoses

Chapitre 29 : Chris

La fin de l'année est arrivée beaucoup trop vite et j'avoue que le Brevet, à côté, n'était qu'un détail. J'appréhende depuis des semaines la mission terrifiante que l'on m'a confiée. Plus les jours passent, plus j'imagine les pires scénarios et même en supposant que tout cela ne tourne pas trop mal, l'idée de mordre mes amis et de leur infliger une telle souffrance me donne des cauchemars.

Portant, Chloé ne cesse de me remonter le moral, tandis que Mya et Mat ne cessent d'en parler avec un mélange d'euphorie et d'angoisse.

J'ai négocié avec mes parents, sans trop de peine, la permission de passer un mois entre jeunes loups dans notre chalet forestier. Il est équipé avec tout le confort et jouxte un magnifique étang, mais, surtout, il est extrêmement isolé dans un massif forestier peu fréquenté. L'endroit est idéal pour lancer des chasses sous notre forme de loups sans risquer d'être surpris, mais également, en l'occurrence, pour transformer mes amis en toute discrétion.

Nous débarquons avec des provisions pour une armée, au grand amusement de mes parents, qui n'ont pas manqué de nous rappeler que nous étions supposés chasser notre nourriture nous-même ! Nous descendons de l'autocar tous les sept pas loin de l'entrée du chemin forestier qui serpente sur quelques kilomètres jusqu'au chalet et je récupère le 4X4 familial, que nous laissons sur place dans un garage, pour transporter toutes nos affaires. J'ai obtenu l'autorisation exceptionnelle de le conduire à condition de rester sur les chemins privés. Heureusement, car les filles se sont lâchées, question vêtements, comme toujours ! Pour un petit mois, ça dépasse l'entendement,

– « Oui, mais on sait jamais quel temps il va faire ! » se défend Chloé.

Je n'insiste pas, je sais que c'est une bataille perdue d'avance. Pas la peine non plus de souligner que nous passerons une bonne partie du temps dans notre peau de loup.

– « J'ai aussi pris un gros kit de premiers secours, ajoute Lio d'un air vaguement lugubre, ça peut être utile... »

Nous avons décidé de profiter d'abord de notre premier jour et repoussé la métamorphose au lendemain matin. Après avoir tiré à la courte paille, l'ordre suivant a été établi : Mya, puis Chloé et enfin Mat. Une longue réflexion nous a conduit à choisir le biceps, pour la morsure et, l'un après l'autre, ils me tendent leur bras gauche, un sourire crispé sur le visage. J'essaie d'y aller le plus doucement possible, mais soyons honnêtes, mon aspect de loup noir et ma rangée de crocs étincelants ne sont pas rassurants, sans compter qu'il est compliqué de mordre sans faire mal, crème anesthésiante ou pas.

Aussitôt après, Lio et Rose se dépêchent de désinfecter la plaie à la bétadine puis de faire un pansement bien serré pour éviter qu'ils ne perdent trop de sang.

– « Un comprimé anti douleur et hop, au lit ! » annonce Rose avec un entrain forcé.

Les larmes coulent sur les visages de mes malheureuses victimes, mais tous ont serré les dents pour éviter de crier.

Alors commence le douloureux processus de la métamorphose pour nos trois amis. Malgré la distribution des anti douleurs toutes les quatre heures, les cris et les pleurs envahissent le chalet. C'est Insupportable parce que nous ne pouvons rien faire pour eux, à part leur tenir la main et essayer de les rassurer. Ce sont incontestablement les pires heures de ma vie et voir ma Chloé se tordre de douleur me brise le cœur.

Le lendemain soir, enfin, ils commencent à aller mieux, sauf Mat, dont la fièvre ne cesse d'augmenter, qui tremble, vomit et gémit en continu. A ses côtés, Lio, qui n'a pas lâché sa main depuis des heures, a l'air de plus en plus désespérée.

– « Je crois qu'il ne va pas s'en sortir, finit-elle par me dire, la voix blanche, lorsque je lui demande pour la douzième fois s'il va enfin un peu mieux.

Je lui pose un bras rassurant sur l'épaule, même si je me sens très mal moi-même.

– « Ne perds pas espoir, il y a forcément quelque chose à faire pour que ça s'arrange. Je vais faire des recherches sur notre base de donnée. »