Chapitre 21 : Sam

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Depuis que Mya sort avec Rose, certes j'ai des nouveaux amis, mais je ne me suis jamais senti aussi seul. En fait, je suis toujours à la remorque d'un groupe ou d'un autre, à écouter les conversations sans vraiment oser y prendre part. Que ce soit clair : je suis super content pour Mya qui a l'air d'avoir avalé un space cake et sourit d'un air béatement idiot toute la journée, mais je suis vraiment la troisième roue du vélo ! Bon, il y a aussi le fait que mes persécuteurs me fichent enfin la paix, et ça, évidemment, ça n'a pas de prix, mais je me serais attendu à me sentir mieux que ça... Peut-être suis-je devenu un vieux ronchon insatisfait, comme me l'a fait remarquer Alice ce week-end ?

Le cours d'histoire-géo m'apporte une surprise de taille. Alors que je me propose pour traiter le sujet de la révolte des esclaves à Haïti, Chloé fait toute une histoire parce qu'elle veut absolument traiter ce sujet aussi, si bien que le prof nous impose de le faire ensemble. Je ne peux pas m'empêcher de prendre un air horrifié mais en regardant de son côté, je suis stupéfait de la voir presque sourire ! Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez elle ? L'air scandalisé qu'arborent les autres membres de sa bande me rassurerait presque mais Tim se redresse comme si une mouche l'avait piqué et prétend que lui aussi voulait travailler là-dessus. Quand le prof agacé lui attribue une autre recherche, il fait claquer son cahier avec humeur et boude ostensiblement pendant le reste de l'heure. Je ne comprends pas du tout ce qui se passe...

Chloé attend la fin de la pause déjeuner et le départ de ses amis vers le gymnase pour venir me voir et convenir d'une heure pour travailler ensemble au CDI.

– « Pas lundi, s'exclame-t-elle assez fort pour être entendue dans tout l'atrium, j'ai mon cours de violoncelle. Sinon, n'importe quel soir me convient. »

– « OK, ben mardi soir, alors, si tu veux. » Mais qu'est-ce qu'elle a, à la fin, cette fille ?

A 17 h, comme convenu, elle me rejoint au CDI, avec une recherche de plusieurs pages sur notre thème, toute guillerette. À croire que ça lui fait plaisir d'être là !

– « Désolée, s'excuse-t-elle en posant son volumineux dossier, je n'ai pas grand-chose, mais lundi j'ai passé un bon moment à discuter avec Chris et j'ai manqué de temps... »

– « Ah oui ? » J'ai l'impression de comprendre enfin. « Chris aussi avait l'air de bonne humeur, aujourd'hui. »J'ajoute avec un petit sourire entendu.

– « Ah bon ?... C'est peut-être ses sorties nocturnes avec ses potes qui le mettent en joie ? Ils vont faire un tour en ville ? »

– « Ben... Euh... Je sais pas... » Je bafouille, très mal à l'aise et réalisant que j'aurais mieux fait de nier être au courant de quoi que ce soit. « Je suis pas invité, tu sais... »

– « Ils y ont de la famille ? »

– « Oui, peut-être... Je sais pas... » Ce que je sais en revanche, désormais, c'est pourquoi elle a voulu travailler avec moi : elle avait l'intention de me cuisiner ! C'est bien ma veine...

– « Mais pourquoi ils vont côté forêt ? C'est pas super pratique, avec le mur, pour sortir. »

– « Qu'est-ce que j'en sais, moi ! Ils ne veulent sans doute pas être vu par le concierge. »

– « Et comment ils remontent dans leur chambre ? De l'extérieur toutes les portes sont fermées... »

– « Si tu posais directement la question à Chris lors de votre prochaine longue conversation ? Tu crois peut-être qu'ils me racontent tout, à moi ? Et puis pas besoin de faire semblant de travailler avec moi juste pour me tirer les vers du nez ! » Je me sens à la fois en colère et puéril de l'être autant mais sa réaction me désarme aussitôt.

– « Tu as raison, répond-elle en souriant, on ferait mieux de se mettre au boulot. Et pour ta gouverne, j'ai choisi ce sujet parce qu'il m'intéresse vraiment et parce que j'ai pensé que toi au moins tu bosserais, contrairement à Maud qui m'exploite totalement. Je compte sur toi pour m'aider à maintenir ma moyenne au top ! »

– « C'était aussi le but de Tim ? »

– « Hum ? Oui, c'était bizarre... Difficile à dire avec lui, on ne sait jamais ce qu'il a derrière la tête... Cela dit, ajoute-t-elle en riant, tu imagines ce que ça peut donner de travailler avec cet abruti de Noa ? »

– « Je croyais que c'était tes amis ! »

– « Jade et Maud, seulement : on se connaît depuis la maternelle. Mais de toi à moi, je n'ai jamais aimé Tim et Noa... Quant à Vicky... Disons qu'elle manque cruellement de personnalité. Devant mon air stupéfait, elle soupire et enlève ses lunettes pour les essuyer avec un pan de son chemisier. « En fait, j'ai réalisé il y a quelque temps que je n'ai plus aucune affinité avec les jumelles non plus. Si je ne les laisse pas tomber, c'est par pure lâcheté, si je veux être honnête avec moi-même. » Elle secoue la tête, découragée.

– « Je peux te comprendre, ce sont de vraies pestes. »

– « Oui, mais elles n'ont pas toujours été comme ça... Dans tous les cas, je crois qu'il est temps que je reprenne mon indépendance et peut-être que je me tourne vers de nouvelles personnes. »

Elle sourit dans le vague, le visage légèrement plus rose que d'habitude, il me semble.

– « Des gens comme Chris? »

– « Je pensais plutôt à toi, Mya et Rose. J'ai l'impression que Lio ne m'aime guère... Chris... C'est... différent. Mais... Il se passe quelque chose qui m'échappe et que je dois comprendre avant de pouvoir leur faire confiance. »

– « Désolé, je ne peux pas t'aider ! » Mon ton est suffisamment ferme pour clore le sujet, j'espère.

– « OK, ce n'est pas ton rôle de me parler, je respecte ça ! On se met au travail ? Le temps passe et on n'a toujours rien fait ! »

MétamorphosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant