Le phare de Noss Head

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Moana

La nuit recouvre à présent la forêt de son épais manteau d'ébène. Le bruit des arbres qui frémissent à la légère brise du vent est semblable à un murmure.

Et pourtant, malgré cette nuit des plus paisibles je ne parvient pas à trouver le sommeil. Cela fait trois semaines que je ne suis pas retourné dans l'océan, parmi les miens. Je suis forcé de constater que le moment pour moi d'y retourner s'approche à grands pas. Ma gorge se noue à cette pensée, car je sais au fond de moi que je déçois ma famille ; je suis le prince, et j'ai abandonné mon royaume.

Je me tourne et retourne sans cesse, l'insomnie me guette et s'empare de mon âme. Je pense à beaucoup trop de choses, où plutôt mon esprit est focalisé sur une seule et unique personne : Dahlia. Lady Blane.

La vache, j'ai passé l'après midi avec la duchesse de Moonwall, la famille la plus puissante de l'Ecosse. Et j'étais là, tel un minable vêtu de mon kilt froissé et mes boucles emmêlées à l'appeler princesse... qu'elle ironie.
Mais, je ne pensais pas seulement au fait qu'elle soit lady Blane, je ne pensais pas à sa famille ou encore à sa richesse. Je ne pensais pas au fait qu'elle soit une noble, je ne pensais pas à son nom.

Je pensais à son doux visage pâle, à ses yeux noirs et foudroyants. Les yeux verts, bleus ou gris sont les plus beaux d'après la société ; ils sont rayonnants, rares, charmants. Pourtant, je n'avais jamais vu un aussi beau regard que celui de lady Blane. Des yeux qui paraissent d'abord simples, marrons n'ayants rien de spéciaux. Mais pourtant, il suffisait de s'y attarder quelques instants de plus, de les observer avec dévotion pour comprendre la tendresse et les ténèbres qui dansent dans les profondeurs de son regard de braise. Elle était doté d'un regard intimidant, obscure et terriblement doux.

Elle est le genre de fille dont le regard vous adoucit systématiquement mais agite les flammes en vous.

Je pensais à ses cheveux, semblables à ces deux tourmalines noires qui vous scrutent lorsque vous oser la regarder un peu trop longtemps – ses cheveux longs, épais et légèrement ondulés, détachés et soutenus par une tresse qui ornait le sommet de sa tête. Quand à sa bouche, elle était plissée avec un petit sourire en coin parfois, un sourire qui vous pousse à lui sourire bêtement en retour. Une bouche remplie, douce et rosée.
Elancée, je la revoyais galoper sur son cheval, les cheveux volants au rythme de sa fougue, me laissant seul, ne connaissant d'elle que son nom.

Je pensais à cette jeune femme d'apparence audacieuse et caractérielle mais qui paraissait tellement délicate et fragile.

Dahlia. Son prénom résonnait en moi comme une évidence.

Elle n'est pas comme ces écossaises dont la beauté est solaire, non. Dahlia est dotée d'une beauté plus rare encore, une beauté intimidante, mystérieuse et obscure.

Une beauté subtile mais, bon sang lorsqu'on la remarque elle vous hante.

Dahlia, elle portait le nom d'une fleur. Et cela lui allait à merveille.

***

J'étais à présent au phare de Noss Head, au beau milieu de la nuit incapable de trouver le sommeil. La nuit est tellement différente du jour ; elle vous laisse seul, livré à vous-même avec vos plus sombres pensées.

Les vagues se déchainent sur les rochers et me rappellent mon devoir.

J'en ai assez.

Je marche dans la forêt, le silence de cette nuit d'octobre me donne froid dans le dos.

L'océan qui nous sépareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant