Lyly se leva beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait voulue. De retour dans la maison de son enfance, elle aurait dû se sentir à son aise et accepter l'offre plus qu'agréable que lui faisait le tendre matelas de sa jeunesse. Mais elle se refusa à s'y effondrer de nouveau. Enfilant le minuscule peignoir qui lui avait été offert à l'aube de son dix-huitième anniversaire, elle sembla faire corps avec son adolescence. La ceinture arrivait à peine à nouer sa taille tandis que le tissu de coton lui chatouillait agréablement les cuisses, lui rappelant combien elle avait été maigre. Dans le miroir, une minuscule pièce qui lui servait de dortoir à l'époque prît chair sous ses yeux. Un sourire se glissa sur ses lèvres. Pour ses dix-huit ans, la jeune fille qu'elle était n'était pas retournée chez elle pour organiser la fête de ses rêves comme prévu. Pas qu'elle n'en eût pas l'occasion, car Daisy s'était portée volontaire pour la ramener à Bellelieue et faire de ses désirs, des ordres. Cependant, la rebelle qui s'était éveillée en elle, avait pieusement décliné l'offre, pour accepter avec bonheur la soirée de fortune que lui avaient offertes ses colocataires de chambre. Aucune boule de discothèque. Juste une carte mémoire montée dans une petite radio solaire empruntée au fils du censeur du lycée, et son bonheur fût d'une courte durée -l'espace d'un jour rythmé par des heures de cours. Lyly se doutait bien que sa mère en avait souffert à l'époque. Néanmoins, quitte à blesser Daisy, elle avait préféré la soirée pyjama de Jess, ainsi que sa bande d'amies. Et le bout de tissu sur ce dos en témoignait largement.
Cependant, elle avait grandi depuis, et le fait de n'avoir pas emmené de peignoir lui confirmait combien son envie de ne pas passer ses deux jours de repos en ces lieux était grande.Lyly enfonça ses pieds dans les chaussons et sortît de sa chambre. En empruntant les escaliers, une douce odeur de pain grillé vînt lui chatouiller les narines, tandis que les discrets éclats de rire de sa mère vinrent briser le peu de bonne humeur dont elle s'était armée pour lui faire face, malgré le scandale de la veille. Il ne s'agissait nullement de lui déclarer la guerre, - ça, Lyly le savait - mais d'essayer de passer une matinée quelconque et sans drame. Et la deuxième option comptait beaucoup plus à ses yeux. Car Daisy et elle ne faisaient jamais cartes sur table. Toutes deux dotées d'un caractère propre à elles, elles n'évoquaient presque jamais le passé, sauf pour faire allusion. Et aujourd'hui, après quatre années d'absence, vu les changements qu'elle avait pu observer, elle n'était plus à même de prédire l'avenir de sa journée.
En arrivant au pied des escaliers, Daisy achevait une communication téléphonique. À la vue de sa fille, une gaité s'emparât d'elle. Et le peignoir qu'elle enfilait y était pour quelque chose. Un large sourire trônait sur ses lèvres, tandis que Lyly restait de marbre.- As-tu passé une bonne nuit, chérie?, demanda-t-elle en quémandant un baiser.
Lyly hésita un instant, sa mémoire évoquant de douloureux souvenirs où ce genre de scène ne s'était produit que dans de tragiques circonstances. Mais à l'appel de cette joue qui lui était si innocemment tendue, un réflexe mécanique s'emparât d'elle, et elle y appliqua a un rapide baiser. Toutefois, savoir que Tom badigeonnait chaque jour cette parcelle de peau à moitié fanée de ses lèvres divines lui altéra l'esprit.
Malgré cette légère marque d'affection, Daisy alla se replacer derrière les fourneaux tandis que Lyly s'installait à table. Un silence meubla la pièce, laissant à la jeune femme le temps de faire un rapide point de la situation. Combien de temps s'était écoulé depuis son absence? Et depuis quand avait-elle été assise face à sa mère pour un rapide en-cas?Comme une réponse, Daisy lui apporta une assiette de tartes aux pommes. La vue du plat rappela à Lyly sa grande faim qui avait été animée la veille, mais qui malheureusement avait fini aux oubliettes à cause de ce fâcheux incident. Incident qui n'avait pour auteur que Tom Delarue. Lyly s'étonna d'ailleurs de se remémorer encore ce nom. Sans doute le choc émotionnel avait été plus important qu'elle ne le croyait hier.
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Beau-père et plus, si affinités...
RomanceAccepter Tom Delarue comme beau-père? Jamais! Pour Lyly, la réponse était assez évidente, alors qu'elle tombe nez à nez pour la première fois avec le nouveau petit ami de sa mère lors de son dîner d'anniversaire. Pour la jeune infirmière, le deuil d...