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- Tiens, cela devrait de réchauffer.

Lyly posa un mug rempli de café chaud entre les mains fripées de son père, et attendit qu'il boive sagement. Contournant le bar américain, elle s'emparât d'une chaise et revint à son emplacement initial, réprimant une énième bâillement. Elle s'assît et l'observa attentivement à la dérobée, un sentiment de pitié la submergeant de nouveau. La nuit dernière, elle n'avait pu achever un sommeil complet et réparateur comme escompté. L'écran de son téléphone avait été le théâtre d'appels incessants. Josh avait tenu à la voir - d'urgence. Sa voix avait été éraillée et les mots mourraient sans cesse dans sa gorge. Elle se souvenait simplement, une fois tirée de ses rêveries, le cœur battant, des deux mots prononcés dans la solitude de la nuit: « besoin » et « toi ».  Elle s'avoua que plus d'une flèche invisible lui avait transpercé l'âme. Elle s'était fait tout un film: des bandits qui l'avaient attaqué, un accident de la route... Au final, il l'avait épargné de ces sordides scénarios en la rassurant malgré lui. Josh l'avait contacté depuis un téléphone publique, et en avait profité pour lui communiquer l'adresse qui lui avait d'ailleurs paru inexistante.
Le taxi avait longtemps bifurqué dans les ruelles les plus sombres et peu fréquentées dans la profondeur de la nuit, avant de le retrouver prostré entre une cabine isolée et des bacs à ordures. Elle aurait bien voulue le questionner longtemps pour connaître les raisons de sa présence dans ce taudis. Mais vu l'heure tardive, le risque d'attirer des plus dangereux et la mine renfrognée du chauffeur, elle n'avait eu d'autre choix que de l'inviter à passer la nuit chez elle. Le temps de voir clair dans sa situation. Il n'avait jamais été au plus mal. Et cette situation, elle le craignait, allait de mal en pis.

- Ta mère t'a appelé?, demanda-t-il tête baissée.

Il venait d'aspirer une simple gorgée. Le liquide, malgré tout lui fît du bien en répandant une chaleur bienfaisante dans son organisme. Néanmoins, il ne se sentait pas à l'abri. Pas encore. Et ce qui lui arrivait dernièrement y était pour quelque chose. Combien de fois n'avait-il pas pensé à reprendre sa vie en main? Il ne saurait le dire exactement. En fait, il n'avait jamais pensé à se retrouver là. Dans cette situation. Et mêler sa fille à tout ce cirque n'était pas non plus au programme.
Il semblait préoccupé, et risqua un oeil sur la jeune femme. Lyly tira sur les manches de sa chemise de nuit, peu à même de reparler de sa mère, -l'objet de leur discorde- avec son père. Elle avait imaginé qu'elle ne pouvait être que la cause de son état. Seulement, elle avait été à des lieux de savoir qu'elle avait tapé particulièrement dans le mil. Elle s'installa, nouant les bras contre sa poitrine.

- Parce qu'elle devait le faire?

Josh considéra sa fille de ses yeux rougis et mima un petit sourire. Les rides formèrent de grands creux autours de ses lèvres. Si elle tenait un temps soit peu à sa famille, si, pensa-t-il. Et habituellement, Daisy n'en avait cure. Surtout ces temps-ci. Il avait bel et bien l'impression que toute son attention était ailleurs, son énergie canalisée par autre chose. Surtout que cette chose n'était autre que Tom Delarue. Et cela lui causait énormément de chagrin. Il ressera ses doigts autour de la tasse au point d'en trembler. Il était fou de rage. Encore plus que sa fille ne puisse l'imaginer. Il lui jeta de nouveau un œil critique, puis lui sourît en aspirant de nouveau une gorgée de son breuvage qui commençait à refroidir.

- Qu'est-ce qui s'est passé, papa?

Josh serra les dents derrière le visage simple qu'il essayait de composer. Il ne savait plus ce qui lui avait pris de déranger sa fille au plus profond de la nuit. Sans doute avait-il eu besoin de sa présence, de son réconfort, exactement comme autrefois, quand son absence le chagrinait. Mais autrefois comme il s'en souvenait, il avait été assez fort pour camoufler sa souffrance de voir sa fille écartée de lui, et avait toujours donné l'image du père consolant. Sauf que ce jour, c'était à son tour d'être consolé. Un sourire amère lui creusa les fossettes. Il était faible. Il avait été faible. Il n'aurait jamais dû importuner sa fille et aurait dû chercher d'autres moyens pour maîtriser ses  violentes pulsions qui faisaient tambouriner ses veines.

Beau-père et plus, si affinités...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant