- C'est bien la première fois que je te vois si préoccupée. Du moment que tu acceptes de prendre ta pause...Lyly soupira de désespoir en décollant son téléphone de sa tempe. Elle pianota rapidement sur l'écran de son téléphone et le reporta de nouveau à l'oreille. Elle attendît les longues sonneries qui lui parvenaient de l'autre bout du fil et espéra qu'un déclic sonore mette fin à ses tourments. Mais ce fût en vain. Encore une fois, elle n'obtenait aucune réponse. Ce n'était pas faute d'avoir essayé. Il ne répondait toujours pas. La situation devenait préoccupante. De jour en jour. Elle se sentait totalement impuissante. Lyly reposa le téléphone, l'esprit meurtri d'inquiétude.
- Tu n'as pas touché à ton assiette, Lyly, dit Jess exaspérée. Qu'est-ce qui ne va pas?
La jeune femme observa encore plus attentivement son amie au lieu de s'attacher au contenu des vitrines de l'autre bout de la rue, comme elle en avait l'habitude à chaque fois qu'elle prenait siège au même emplacement dans ce café. Ce dernier bien situé à l'angle de la principale rue, était proche de l'hôpital, et cela leur permettait de changer des lasagnes qui leur était servies quotidiennement dans des assiettes jetables. Elles l'avaient toutes deux nommé « le repas des prisonniers », puisque comme des internées, elle se sentaient maltraitées du côté nutrition. Et elles avaient toujours compris qu'elles avaient besoin de bien mieux, pour continuer à prendre en charge les patients. Elles en riaient de bon cœur, Lyly et elle, quand elles étaient peu soucieuses. Et depuis ce qui leur semblait pas trop lointain, elles avaient découvert ce petit coin, où à chaque fois, elle demandait au serveur de leur réserver la « 12 ». Cette table, à travers le panorama qu'elle offrait d'une ruelle bien fréquentée, donnait sur une agréable maison de créateur qui n'avait jamais cessé d'actualiser les articles qu'il exposait chez lui. Et cela ne manquait pas de les attirer, surtout leur porte-monnaie.
Mais cette fois-ci, leur présence dans le petit carré était loin de revigorer Lyly comme d'habitude. La jeune femme n'avait pas touché à son plat d'omelettes, encore moins à son jus de fruits. Seule la tasse de café qu'elle avait commandé, -chose qui ne faisait pas partie de ses habitudes- avait été vidée, d'une traite sous les deux soucoupes rondes qu'étaient devenus les yeux de Jess. Sinon, la jeune femme ressemblait plus à un zombie qu'à un humain proprement dit.
Les paupières de Lyly étaient enflées, signe qu'elle ne trouvait plus de précieuses heures sonmeil. Au service, elle la sentait peu présente et toujours d'humeur morose. Des cernes creusaient ses paupières inférieures et son teint perdait de sa superbe. La Lyly qu'elle savait intransigeante sur son style vestimentaire s'était muée devant elle, en une femme négligée. Ses clavicules saillantes bordaient un décolleté loin d'être séduisant. Du moins, avec cette robe à la limite vieillotte qu'elle avait sur le dos. Elle continuait d'ailleurs de se demander d'où elle avait pu pêcher pareille horreur. Il ne valait pas un clou même pour un enterrement. Il n'avait nullement sa place sur le dos d'un cadavre, encore moins sur Lyly.
Jess réitéra son appel, en piquant de sa fourchette un morceau de blanc de poulet.- Tu as l'air ailleurs.
Or, Lyly était loin d'être ailleurs. Elle était bel et bien présente. Mais ses pensées formaient une soupe épaisse difficile à digérer. Les événements de ces derniers jours s'accumulaient dangereusement et le mélange hétérogène était à même d'exploser tel un volcan resté trop silencieux. Qu'avait-elle fait pour mériter un châtiment aussi lourd? La notion de famille ne lui avait jamais paru aussi fatidique. Elle s'était longuement entraînée à s'éloigner des embrouilles entre son père et sa mère des années durant. Même si elle n'avait pas pu apprécier à sa juste valeur son internement, elle préférait encore si elle en avait la possibilité, s'y enfermer pour toujours. Les problèmes lui pesaient sur le corps et l'esprit, encombrant ses performances dans son travail. Ses patients n'avaient presque plus la même valeur qu'à l'époque, puisqu'elle se sentait obligée de réfléchir constamment et de penser à autre chose pour mieux fonctionner. Les ressentis de chacun des membres de sa famille l'enivraient jusqu'à l'épuisement. Et la moindre pensée manquait de la faire craquer. Lyly était à bout de nerfs et n'en pouvait plus.
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Beau-père et plus, si affinités...
RomansaAccepter Tom Delarue comme beau-père? Jamais! Pour Lyly, la réponse était assez évidente, alors qu'elle tombe nez à nez pour la première fois avec le nouveau petit ami de sa mère lors de son dîner d'anniversaire. Pour la jeune infirmière, le deuil d...