14. Tous des voleurs

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Le marocain qui avait déménagé sur un marché non loin d'une célèbre pyramide, épuisé après avoir longuement négocié avec cinq gamins bizarres s'en alla noyer son chagrin dans le bar le plus proche...

"Les touristes sont tous des voleurs." assura-t-il.

"M'en parle pas." soupira le mec de la table d'à côté. "J'ai vendu un sceptre magique chaotique pour 5 mornilles."

Comme le marocain ne boit pas de salade (c'est normal) ni d'alcool (c'est normal, aussi, les occidentaux ont des habitudes très étranges), il commanda un thé à la menthe et il s'assit en tailleur sur le coussin voisin, juste à côté de l'autre vendeur. Ils ne se connaissaient pas mais se parlaient déjà comme des frères.

"Comment ils t'ont arnaqué, les tiens ?"

"Ils cherchaient des baguettes magiques, pas très regardants sur la qualité mais très proches de leurs sous… J'ai à peine vendu un lot de cinq baguettes pour le prix d'une demi-baguette pas trop cuite."

Le thé arriva, délicieusement sucré dans une petite tasse en verre et entourée d'un métal argenté qui aurait dû servir à ne pas se brûler les doigts mais il était encore plus chaud que la partie transparente.

"Et dire qu'ils nous traitent comme des voleurs, c'est un comble !"

"Eux, ils volent notre monnaie… il me semble qu'ils nous accusent surtout de leur voler leur travail quand on migre vers chez eux."

"Ah ça ! S'ils mettaient autant d'énergie à bosser qu'à économiser leurs sous pour venir nous voler dans notre propre pays, peut-être qu'on les engagerait volontiers dans des métiers ingrats rémunérés au lance-pierre."

Froncement de sourcils. Quelques tiges de menthe supplémentaires dans le thé. Sucre. Parfait.

"Ils payent leurs employés avec des lance-pierres ?!"

"J'ai entendu dire ça, en France surtout… c'est bête car la moitié doit tomber pendant le processus mais ils ont peur de choper des bactéries avec l'argent. Ils disent que c'est sale."

Ce café était toujours calme : sombre, petit et puant. Un véritable havre de paix qui faisait fuir les touristes pour le plus grand plaisir des locaux qui aimaient bien se reposer pas trop loin du marché où ils travaillaient, bourré de touristes, malheureusement.

"Ici ! Red, on peut manger notre goûter ici ? Ailleurs, y'a toujours trop de lumière."

"ARGH ! C'EST EUX !" s'écrièrent les deux vendeurs d'une même voix étranglée. "Attends… toi aussi ?!"

Harry les vit et il secoua la main d'une manière très naturelle et un regard qui hurlait "potooo", un sourire mauvais sur son visage d'ange déchu.

"Vous parlez de quoi ?!" demanda-t-il en prenant un coussin qui traînait dans le coin pour s'assoir sur le sol près des deux vendeurs.

Max ne tarda pas à les rejoindre avec son propre panier pour chien et elle s'installa à la table qui commençait sérieusement à être trop petite.

"C'est un biscuit ?" demanda-t-elle. "Je peux goûter ? Ou sinon, donnez-moi le nom que j'aille m'en acheter un... ça a l'air trop bon."

"Vas-y, prends-le."

Max renifla le biscuit inconnu, sec et d'une couleur caramel avant d'éternuer. Elle venait d'attraper le tchoumi, pokémon de type glace-vol. À peine croqua-t-elle dedans qu'elle recracha le pauvre biscuit à moitié mâché, des larmes pleins les yeux.

"C'est quoi cette horreur ?"

"C'est de la cannelle, il ne faut surtout pas respirer de la poudre de cannelle ! Franchement... on ne vous apprend jamais rien, de votre côté de la manche ?"

"On est particulièrement intelligent ce qui signifie forcément que les autres sont cons comme du mortier." répondit Harry.

"C'est vrai que les français payent leurs employés avec un lance-pierre ?" demanda l'un des deux vendeurs.

Harry et Max échangèrent un regard... rire ou pleurer ? Ah. Bien sûr : la question était sérieuse. Zut.

"Je suis anglais, j'ai jamais mis le pieds en France." répondit Harry.

"L'Angleterre, la France... c'est pareil !"

"L'Égypte, le Maroc… c'est pareil !"

"Pas du tout." répondirent les deux vendeurs d'une même voix outrée.

Il y eut quelques secondes de flottement et puis...

"Oooh."

Ils avaient compris.

Livre 2,5 : Le Voyage de la Meute ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant