WINTER [en pause]

Grenat

Foulant du pied l'asphalte humide de Folkston, le jeune homme sortait tout juste de l'école, ce jour-là. Son sac pendait sur une seule de ses épaules, mais il s'en fichait, l'esprit bien trop occupé à fredonner les paroles qu'il entendait dans son nouveau MP3. Il l'avait eu à Noël, et avait même sauté au cou de ses parents tellement il était heureux. Depuis, il l'utilisait tous les jours. La capuche couvrant sa tête, il accéléra le pas lorsqu'une fine couche de pluie vint déranger son trajet. C'était un beau garçon, les cheveux aussi noirs que la nuit et ses yeux dorés lui valait des tonnes de lettres d'amour à la Saint Valentin. Mais il ne s'en préoccupait pas. Lui, son truc, c'était le sport. Il adorait nager, avoir la tête sous l'eau et n'entendre rien d'autre que son cœur. Aux vues de ses bonnes notes, ses parents avaient accepté de l'inscrire au club. Il aimait passer de la réalité au calme à la suite d'un plongeon. De fendre l'eau et pouvoir relâcher tous ses muscles, de pouvoir avoir l'air soi-même, tout simplement.

C'était comme ça, chez les enfants. Les filles l'adoraient, les garçons le jalousait. Combien de fois avait-il entendu « Sale bridé », ou encore « Ching chong » ? Il ne les comptait même plus. Sous l'eau, il pouvait crier, pleurer, ou juste flotter, elle ne le jugeait pas. L'eau ne le jugeait jamais. Elle l'accueillait à bras ouvert à chaque fois, lui donnant tout ce qu'il voulait : calme, tranquillité et silence.

Lorsqu'il tourna sur sa droite, il entra dans son immeuble et gravit les marches telle une fusée. Ouvrant la porte du troisième étage, il sentit l'habituelle odeur de cookies chauds et en bavait d'avance. Cependant, aujourd'hui il avait particulièrement envie d'aller nager. Les bons cookies de Maman étaient excellents, mais rien n'égalait la nage. Il fila alors dans sa chambre, troqua les cours dans son sac pour son maillot, du change et une serviette, et repartit.

- Un cookie mon chéri ? résonna une voix féminine dans la cuisine.

Il prit la peine d'y aller, la voyant tout juste poser l'assiette sur la table.

- Evidemment, répondit-il en s'asseyant sur une chaise.

- Tu allais t'entraîner ?

- Ouep. Je serais là avant le dîner, ne t'inquiè- ha, ha c'est chaud !! s'exclama-t-il en lâchant le cookie qui s'écrasa sur la table.

Sa mère explosait de rire, époussetant son tablier avant de l'enlever et de se joindre à son fils. Ce dernier lui jeta un regard se voulant méchant mais ne put s'empêcher d'esquisser un petit sourire.

- Il va falloir que je te donne la becquée une nouvelle fois ?

- Arrête, je suis grand maintenant !

Il le reprit et souffla dessus, avant de croquer comme un vorace. Les pépites de chocolat fondaient presque sur la langue, et manger quelque chose lui faisait le plus grand bien. Sa mère, elle, réhaussa ses lunettes transparentes sur son nez et tapota gentiment la tête du garçon.