Chapitre 19

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Finalement ce n'était pas si intéressant, ils étaient assis sur une chaise, face à une table à attendre que les minutes passent. Les mots s'écoulaient et traversaient passablement ses oreilles. L'encre s'étalait, la mine grattait le papier, ses yeux baillaient, son regard s'ennuyait.

Sa table bancale cognait inlassablement contre le mur et l'eau de sa bouteille imitait maladroitement l'océan.

Il vivait dans une sphère, englobé, ravalé par les hécatombes de sa vie. Il y avait un peu d'air frais parsemé dans des vagues étouffantes. Les voix qui l'entouraient dansaient sur une mélodie morbide, tanguaient et se balançaient dans un monde auquel il ne semblait plus appartenir.

Le planché grinçait sous les pas longs et lourds du professeur, il avançait, tournait en rond, accordait les mots ensemble dans une partition sombre.

Ses pupilles se noyaient entre les lignes vierges de ses parchemins usés, elles lui semblaient droites, ondulées, circulaires, visibles, inexistantes, en relief, mortes. Il pouvait entendre son cœur, il battait la mesure, doucement, un peu trop. Il coulait puis recommençait sa danse.

La fin de l'heure arrivait. Il grattait le bois vieillit de son bureau, le creusait, cela ressemblait à un nuage. Il donna un coup trop brusque, sa bouteille tomba. Le silence.

La fin du cours sonna. Ses paupières luttaient, il rangea sa plume, renversa un peu d'encre et regarda la tâche s'étaler sur le bois, elle était grossière, laide, profonde. Un mangemort.

Son sac sur l'épaule, il partit, son corps portant le poids du monde...Il passa dans la cuisine, vola une barquette de fraise et remonta les escaliers. Il s'arrêta, souffla et se posa lourdement sur une marche glacée, les fruits rouges sur ses genoux. Il les fixa, ils avaient une aussi belle teinte que ses joues lorsqu'elle rougissait. Là les larmes ont coulé.

Fred avait fini par se lever, manger les fraises et partir dans la salle de cour abandonnée qu'il utilisait avec son frère. La porte avait grincé lorsqu'il l'avait ouverte laissant pénétrer un fin faisceau de lumière qui trancha la pénombre.

Il resta à l'entrée, adossé contre le cadre et observa le siège sur lequel elle s'était assoupie autrefois. Il espérait la voir blottie contre son sweet, ses cheveux barrant son visage et son petit nez retroussé bouger légèrement entre ses rêves, mais il n'en fut rien. Sans réfléchir il laissa tomber sa cape et se dirigea vers ledit fauteuil qui accueilli ses larmes.

Il pleurait bruyamment, sans peur, sans gêne, la tristesse prenant son corps et son âme, les mutilant, les déchirant sous la torture d'une absence tranchante. Sa respiration se coupait, se brisait telle une fausse note jouée au violon. La lourdeur de la pièce assommait son esprit embrumé et il empoigna son sac duquel il prit avec une rare délicatesse un parchemin soigneusement plié dans un fin fil mauve.

Il essuya nonchalamment son nez et ses joues avec la manche de son t-shirt puis tira tout doucement sur la cordelette lilas, défaisant le nœud qui maintenant les deux feuilles avant de les déplier. Il se perdit dans la douce calligraphie et les courbes rondes de son écriture et tentait de lire à travers ses larmes. Il avait mal. Si mal. Et elle était belle. Si belle.

-On a échoué Fred.

Le rouquin sursauta en entendant la voix de son frère. Il était face à lui, assis à même le sol contre un mur, les jambes étendues devant lui. Fred pouvait à peine voir son visage tant il était englouti par le noir.

-Continu de pleurer, ne te retiens pas face à moi.

Il ne répondit rien, se contentant de fixer son jumeau. Il n'avait soudainement plus envie de pleurer. Il resta assis, la lettre dans sa main droite qu'il tenait entre ses longs doigts. Il la regarda de nouveau, enroulant le ruban pourpre autour de ses doigts, une larme coula et s'écrasa sur le fin papier, l'encre se déplaça, floutant le mot inscrit ce qui fit paniquer le roux : il ne pouvait pas perdre ses mots.

Les jolies nuances rousses. TOME 1 (Fremione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant