I N T E R L U D E so show me i'll show you

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Le cuir souple frottait dans ma main, contre mon bras, alors que les heures d'entraînement l'avait échauffé. Le contraste entre mon corps crispé, prêt à l'attaque et la souplesse de la peau d'animal dépecé me semblait si saisissant à l'instant. J'alternais coups d'épée et coups de bouclier. Des feintes et des percées. Mon bouclier s'écrasait sans arrêt contre la lame de mon précepteur. Tantôt violemment, tantôt plus doucement. La plupart du temps, un coup léger en cachait un mortel. Quand on se croit à l'abri, l'ennemi frappe avant même d'avoir eu le temps de dire "Zeus". Mon souffle erratique n'attestait en rien de ma réelle condition physique. J'allais bien, parfaitement bien, mon corps et mes poumons tenaient la route. Ces traîtres organes aimaient faire croire à mes ennemis que j'étais au bord de la rupture, et ils relâchaient leurs vigilances, m'offrant une victoire facile comme je les haïssais.

Dès l'enfance, j'avais appris à me servir d'une épée. Dès l'enfance, j'avais appris à protéger mes camarades, à me servir de mon bouclier comme d'une arme. Dès l'enfance, le garçon prodigue, fils du plus grand des Dieux, était devenu le plus jeune hoplite à rejoindre l'armée spartiate. Dès l'enfance, le garçon que j'étais a su démontrer sa bravoure au combat, n'hésitant pas à se jeter dans la gueule de l'ennemi, prêt à mourir de sa belle mort si jeune.

Jamais je n'avais eu peur. Jamais je n'avais redouté d'être embroché, torturé ou piétiné par mes camarades. Je n'avais toujours pas peur d'ailleurs. En moins de cinq ans, j'avais participé à une demi-douzaine de batailles, que nous, grands guerriers de Spartes, avions remportées. Le combat était notre art, notre danse. Notre cité était crainte de tous, tant les femmes fortes que les hommes guerriers. Jamais une cité ne nous égalera sur ce point. Et cela, j'en étais fier. Pour cette raison, malgré mon aisance pour trancher des gorges et empaler des vivants, je m'entrainais chaque jour, comme tout bon guerrier.

Mon précepteur, vêtu de son casque à plumes rouges, sa cuirasse et ses cnémides, ne me laissait aucune seconde de répit à mon plus grand bonheur. Il était l'un des plus grands de notre monde, l'un des citoyens les plus respectés de sa génération. Ses cheveux longs et clairs retombaient dans sa nuque et voletaient au gré de ses amples mouvements. J'étais conscient que les miens dansaient de la même manière dans mon dos et que la tunique rouge que je portais au-dessus de ma cuirasse avait été découpée, tranchée sur toute la longueur, laissant apparaître ma lourde armure de cuir.

Après une bonne heure d'entrainement, mon précepteur m'abandonna pour ses tâches routinières. Aujourd'hui, je n'y étais pas contraint.

Je me rendis sur l'Agora, en quête d'un visage familier dans la foule. Apollon nous bénissait de sa venue depuis les cieux, brûlant ma peau déjà tannée et me forçant à plisser les yeux pour pouvoir avancer. Je croisai plusieurs camarades, marchands et artisans. Je ne les saluai pas, trop occupé dans ma quête personnelle.

Au détour d'une petite ruelle vide de monde, je senti une présence dans mon dos, que je décidai d'ignorer. Je continuai ma marche, mes sandales claquant contre le pavé ombragé. Les pas derrière moi se firent plus proches, toujours plus. D'un geste rapide, je m'enfonçai dans une fine alcôve, m'écrasant contre un mur dans un souffle qui se voulait las et fatigué. Je guettai l'arrivée de la petite ombre qui me suivait à la trace depuis cinq bonnes minutes et me fit le plus petit possible. Malheureusement pour moi, le combat à l'épée et au corps à corps ne m'aidait pas vraiment à me rendre invisible.

Un pied, puis un deuxième tournèrent dans ma direction. Avec empressement, je me mis en travers de la route de la jeune intruse et l'empêchai de faire un pas de plus. Celle-ci sursauta. Elle ne se doutait absolument pas que je l'avais repérée, évidemment.

- Oh, par tous les dieux! Othryadès! Tu n'étais pas obligé de te cacher comme un lâche dis-moi!

- Dixit celle qui me suit à mon insu.

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