The Night Souls

~6~

Point de vue d'Alexie

Installée à mon bureau, je planchais sur une nouvelle affaire. Je tentais de me concentrer depuis maintenant une heure sans succès. Impossible de lire un paragraphe complet d'une seule traite ou même d'en comprendre le sens. Mon esprit divaguait vers le club de biker. Quelle sera leur décision ? Avais-je pris la bonne décision en les mettant au pied du mur ? Aucune idée. N'arrivant à rien aujourd'hui et la pause déjeuner qui ne saurait tarder, je décidais de sortir m'acheter un en-cas et de me poser au calme.

Une fois mon emplette effectuée, je m'étais posé en bordure de rivière à l'autre bout de la ville. Mon dossier en cours dans mon sac, j'allais peut-être arriver à quelque chose loin du brouhaha et de l'agitation du cabinet. Mes pensées me ramenèrent toujours au point de départ. C'était pour moi une opportunité d'avoir un si gros contrat. Je savais pertinemment que l'environnement de biker était loin d'être tout rose. S'ils n'étaient pas prêts à me dévoiler un minimum d'informations, je n'allais pas les suivre.

J'avais bien fait de quitter le bureau. Il n'y avait personne aux alentours. Installée dans l'herbe sous le soleil, je profitais de la chaleur apaisante et d'une fine brise pour étudier ce nouveau dossier. En deux heures de temps, j'avais bien plus avancé qu'en une matinée. Je terminais de prendre des notes lorsque je reçus plusieurs notifications sur mon portable. J'inscrivais rapidement mes idées avant de prendre mon téléphone. Deux messages non lus d'un numéro inconnu.

"Salut, ma belle, rejoins-moi ce soir 20 h sur la route 86"
" Ne te défile pas, tu me dois un dîner. Loan"

Je souris involontairement en lisant ces messages. J'enregistrais son numéro tout en constatant qu'il ne lâcherait pas l'affaire. Peut-être me donnera-t-il la réponse du club.
L'après-midi passa tranquillement. Mon dossier bien avancé, il me restait à rencontrer mon client.

De retour chez moi, j'avais encore une heure avant de rejoindre Loan. Je me préparais rapidement. L'avantage ou l'inconvénient d'être à moto est qu'il était totalement impossible de conserver une coiffure digne de ce nom. Et soyons clair, niveau vestimentaire, les tenues légères étaient à proscrire. Je décidais donc de laisser mes cheveux à l'air libre et d'enfiler un débardeur et un jean renforcé en cas de chute. Ma veste en cuir allait me servir de protection pour la route.

L'heure approchant rapidement, je me mis en route pour notre lieu de rendez-vous. Arrivée à l'endroit indiqué, je l'aperçus à califourchon sur sa moto à regarder son téléphone portable. Il tourna sa tête dans ma direction, certainement dû au bruit de ma moto.
Je me stationnais à son niveau et retirai mon casque pour échanger avec lui.

- Bon, tu m'emmènes où, biker ?
- Tu es si pressée ?
- J'ai toute la soirée. Alors on dîne où ?
- Un resto sympa. Mais avant, je t'amène quelque part. Tu voulais en savoir plus sur nous ? C'est l'occasion idéale.

Il remit son casque et démarre sa bécane. Je le vis m'observer ou plutôt m'attendre. Ni une ni deux, je fis de même et le suivis sur l'asphalte.

Nous roulions une bonne demi-heure avant de ralentir l'allure. Nous arrivions dans une zone industrielle désaffectée. Quelques frissons remontèrent dans ma nuque. Où m'emmenait-il exactement ? De moins en moins rassurée, je le suivis tout en restant sur mes gardes. Une musique sourde me parvint sans que je ne puisse en trouver la source.

Nous avancions au pas et le bruit était de plus en plus distinct. Ces sons m'étaient familiers, mais ils remontaient à plusieurs années, bien avant d'avoir prêté serment.
Le son de la sono qui crachait, les moteurs qui vrombissaient et la foule en délire qui hurlait.

Une course sauvage, voilà où il m'avait emmené. J'en avais fait plusieurs par le passé, mais je m'étais forcé à arrêter. Ces courses étaient illégales. Impossible de me faire prendre pour lancer ma carrière et encore moins maintenant que j'avais le barreau en poche.

Je repérai le club de biker très rapidement. Leurs écussons étaient présents. Une trentaine de bikers vêtu de veste en cuir. Nous avons posé nos engins, non loin d'eux et Loan me rejoignit.

- Alors qu'en dis-tu ? me demande-t-il le sourire aux lèvres.
- Tu me demandes à moi avocate si me retrouver en plein milieu d'une course sauvage est intéressant ?

Son sourire s'évanouit rapidement. Je n'attendais pas sa réponse et repris rapidement, la visière ouverte et le casque vissé sur la tête.

- Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas ma première, mais je vais garder mon casque tout de même.
- Je comprends. Je n'y avais même pas pensé, me dit-il en se grattant l'arrière du crâne.
- Tu cours ?
- Parfois, ça m'arrive. Le club est bien positionné.

Cela ne m'étonnait pas le moins du monde. Des hommes accrochés à leurs engins. Loan fit signe à son président pour que celui-ci nous rejoigne.

- Ah vous voilà enfin ! Mlle Davis, ici, vous pouvez retirer votre casque. Personne ne vous trahira.
- Je vous remercie Warren, mais deux précautions valent mieux qu'une. Je n'accorde pas ma confiance à tout le monde et encore moins lorsque ma carrière est en jeu.

Il hocha la tête comprenant certainement mon point de vue, mais aussi mon rappel face au dilemme que je leur avais imposé.

- Loan, surveille les gars. Je vais m'entretenir avec Mlle Davis.

Une fois parti rejoindre ses compagnons, Warren et moi, nous éloignions de la foule.

- Nous avons eu un long débat vous concernant au sein du club.
- J'imagine bien, quel est le verdict.
- Nous acceptons de collaborer, mais je tiens également à vous mettre en garde. Nous vous accordons notre confiance, mais si vous la trahissez, nous seront intraitables.
- J'en ai conscience Warren. Comprenez bien qu'en acceptant de vous représenter, je me colle moi-même une étiquette dans le dos et un boulet à la cheville. Je risque gros et j'ai abandonné trop de choses pour en arriver là pour ne pas réussir. Je sais pertinemment que vous avez passé ma vie au peigne fin et je n'hésiterai pas à en faire de même si vous ne remplissez pas votre part du contrat. Ce n'est pas une menace. Des informations que je n'ai pas en ma possession seront un moyen de pression pour le côté adverse. Je suis bien clair ?
- Comme de l'eau de roche, Mlle Davis.
- Et s'il vous plaît, appelez moi Alexie, ce sera plus simple.