Epilogue

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Le feu dans la cheminée s'était éteint depuis longtemps ; seules les premières lueurs du jour éclairaient la bibliothèque du domaine de Barbury.

Victoria Cook, née Victoria Taylor, lâcha la dernière page du manuscrit telle une feuille morte au pied d'un arbre en automne.

— Cet auteur a une drôle d'imagination, dit Henry Cook. Pendant un moment, j'ai cru à son récit, mais cette histoire de fantôme et d'île mystérieuse... Non vraiment, il est allé trop loin. Cela n'en demeure pas moins une bonne histoire. Le jour pointe son museau et je n'ai pas piqué du nez une seule fois de la nuit ; j'étais suspendu à vos lèvres !

Victoria ne répondit rien. Elle se contenta de soulever la couverture de ses jambes et d'empiler les pages du manuscrit qu'elle déposa sur une petite table.

— Et vous, très chère ? Il vous a plu aussi, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas cessé votre lecture un seul instant, pas même pour vous hydrater.

Son épouse haussa les épaules.

— Oui, cela n'était pas trop mal, dit-elle distraitement.

Henry Cook se mit à bâiller.

— Eh bien, voilà que le sommeil me rattrape. Si nous allions nous coucher ?

Victoria fit mine de plier les couvertures.

— Oui, allez-y, je vous rejoins dans un instant.

Lord Cook quitta la pièce en traînant des pieds, trop fatigué pour tenir une démarche décente. Une fois qu'il fut parti, Victoria laissa négligemment les couvertures sur l'accoudoir de son fauteuil. Elle s'accroupit près du tas de feuilles jaunies et en extirpa la dernière page avant de se diriger vers la fenêtre.

Elle la serra sur son cœur et regarda aussi loin qu'elle le pouvait : là-bas, derrière la cime des arbres déshabillés à l'approche de l'hiver, où se trouvait la mer qu'un jour Jonathan Hastings avait prise dans le seul but de reconquérir son cœur.

Car en vérité – et elle l'avait compris dès les premières lignes sans en dire un mot à son époux –, ce manuscrit lui était destiné. Olivia Carryott n'était qu'un pseudonyme dissimulant la véritable identité de celle qui avait brisé le cœur d'un homme affaibli par les affres de la vie. Et si la coïncidence permettait le doute, il suffisait de démonter l'anagramme ainsi construite depuis son nom de jeune fille ; Olivia Carryott avait été composée depuis les lettres de Victoria Taylor. Ces deux femmes n'étaient qu'une seule et même personne. Sachant que la bouteille, mue par quelque sortilège pour la guider jusque sur les plages de l'Angleterre, allait trouver son premier amour dans le creux de sa nouvelle vie, Jonathan Hastings avait pris soin de dissimuler son nom dans son témoignage, comme un dernier acte d'attention à son égard. 

Le Secret de L'ÉpervierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant