Les 5 Horloges du Temps

Un Ami

2. Moi et Cyl sommes partis de la piscine quelques minutes après l'incident. Nous n'avions ni l'un ni l'autre le cœur à la nage. Je n'arrivais pas à me tenir droit. Le coup de Drake m'avait bien amoché. Le seul souci est que je n'avais aucun vêtement. Il ne me restait que mes maillots dans mon sac que Drake n'avait pas pris la peine de me voler. Mais je ne pouvais pas me balader quasi nu en pleine ville. Cyl m'a prêté une veste, et comme il est plus grand que moi, elle me tombait jusqu'à la moitié de mes cuisses. Heureusement qu'il fait chaud dehors ces temps-ci, peut-être qu'on ne remarquera pas que je n'ai pas de pantalon. Peu importe, ce n'est pas le regard des autres qui m'importe. Je veux seulement éviter que les autorités m'arrêtent pour exhibitionnisme ou je ne sais quoi d'autre. On verra bien. Nous sommes donc sortis de la piscine, moi à demi recroquevillé sur moi-même à cause de ma douleur au ventre et lui les yeux encore rouges à cause de ses larmes. Nous n'avions pas fière allure. Déjà que d'origine Cyl n'est pas spécialement impressionnant, là c'est encore pire. Pour vous le décrire un peu, il a les cheveux noirs, un peu en bataille, et porte plusieurs mèches bleues sur toute sa stupide caboche. Il doit faire dans les 1 mètre 79 je dirais et est très maigre. Il doit peser maximum 65 kilos. Bref, que d'informations inutiles mais que les gens apprécient pour essayer d'apprendre à connaître quelqu'un. Après tout pourquoi pas, je ne suis pas un expert dans la sociabilisation. Je n'ai aucun ami, ni aucune connaissance. Même mon tuteur je ne le connais pas beaucoup. En y repensant j'ai dû le voir à trois reprises durant ma vie. Du moins je ne me souviens que de trois rencontres avec lui. La première remonte à mes quatre ans. On a passé une heure ensemble à tout casser. Il m'a emmené dans un petit appartement et m'a demandé si j'avais besoin de quelque chose. Je ne sais plus ce que j'ai répondu mais je sais qu'il m'a apporté de la nourriture, à mis une enveloppe dans un petit coffre, et il m'a caressé les cheveux avant de partir. Ensuite c'était des hommes et des femmes d'entretien qui venaient me garder ou me rendre visite. Aucun n'est resté sur une longue période. J'ai revu mon tuteur à mes 10 ans. Ce n'était pas une visite de courtoisie, il en était contraint par la loi. Il a ouvert le coffre qui n'avait pas bougé depuis 6 ans, et y a ajouté une seconde enveloppe, de couleur bleue. C'était peu commun, alors la couleur m'avait marqué. Pendant toute ma vie j'ai été curieux de savoir ce que contenait ces deux enveloppes. C'est lors de sa 3 ème visite, à mes 15 ans, qu'il m'a enfin donné l'enveloppe classique, de couleur brune. Le jour de mes 15 ans marqua la fin de 5 années de solitude. À partir de mes 10 ans, plus personne n'avait l'obligation de me garder, alors je suis resté seul tout ce temps. J'ai toujours été seul alors disons que je me suis sûrement habitué. Tout cela pour dire que dans cette enveloppe se trouvait simplement une grosse somme d'argent. Mais je n'y avais jusqu'à lors jamais eu accès, mes décisions n'étant pas celles d'un adulte ou même d'un adolescent responsable. À partir de là j'ai fais attention à ne pas trop dépenser mais à ne pas me priver non plus. J'étais seul, alors pourquoi ne pas embellir le quotidien par quelques caprices ? Finalement je pense que Cyl est la première personne avec qui je sociabilise réellement. Je me demande bien pourquoi il me veut pour ami. Je ne suis pas très reluisant comme personne. Mais au fond même si je ne le connais pas, je pense que je l'aime bien. Il est différent, et c'est quelque chose que j'apprécie.
J'étais dans mes pensées lorsqu'il m'attrapa le bras pour aller dans une boutique de vêtement. J'avoue que c'était plutôt une bonne idée. Moi qui pensais rentrer chez moi, j'étais assez surpris. Mais au moins ça voulait dire que nous allions passer notre après-midi ensemble. Tant mieux, il m'intrigue pas mal désormais. J'ai insisté pour payer mais pendant que je me changeais à nouveau dans les cabines, il partit payer. Ça m'a un peu énervé, même si j'étais plutôt flatté. C'était le premier vrai cadeau que je recevais. Il m'a acheté un jogging gris, (encore trop grand), et une paire de chaussure en plus. J'avoue que c'était les plus belles paires que j'avais jamais vu. Elles étaient blanches, avec des motifs de vagues bleues et scintillantes. Je les adorais. Je n'avais jamais été aussi content je crois. J'ai découvert ce qu'on peut appeler l'euphorie. Un sentiment plutôt agréable quand on y pense. J'avais envie de lui sauter dans les bras. Je ne sais même pas pourquoi. Il m'a seulement acheté quelques vêtements sans grande importance. Néanmoins mon envie de le remercier était telle que je l'ai inviter à prendre un café et une viennoiserie dans un café du coin. On voyait l'Horloge du Centre de là où nous étions assis. J'adore vraiment regarder ce bâtiment, je ne m'en lasse jamais.

"

- Je vois que l'Horloge te plaît. C'est vrai que c'est une très belle construction.
- Ce n'est pas que ça. La tour est un lieu qui lie savoir et mystère, échec et réussite, lumière et obscurité. Cette tour est absolument formidable, et lieu porteur de magie qui plus est. Elle me facsine.
- Tu... tu voudrais qu'on aille à l'intérieur après ?
- Sérieusement ? Tu es en mesure de nous faire rentrer ? Il nous faut au moins une autorisation magique ou bien une somme d'argent, mais qui est assez élevée.
- Ne t'en fait pas pour l'argent, ce n'est pas un problème. Mais je n'ai ni l'un ni l'autre pour nous faire rentrer.
- Alors comment comptes-tu faire ?
- Mon tuteur fait partie du personnel de la tour. Nous pourrons seulement la visiter, pas résoudre de quête.
- Ce n'était pas mon intention. Je voudrai simplement l'admirer sous un autre angle.
- Alors c'est parfait, on ira tout à l'heure.

Il me regarde avec un air tout bizarre. Il ne traduit aucune émotion, je ne peux pas savoir ce qu'il ressens. On a dû se fixer dans les yeux pendant au moins une dizaine de seconde avant que je ne reprenne la parole.

- Je voulais te remercier. Pour tout merci Cyl.
- Et moi je tenais à te présenter des excuses pour mon acte odieux dans les vestiaires.
- Je ne t'en veux pas tu sais, mais je préfère qu'on arrête d'en parler.
- Tu as raison, oublions ça. Tu as fini ton café ?
- C'est-à-dire que je comptais manger quelque chose si ça ne te dérange pas ?
- Oh non je t'en prie, fais-toi plaisir.

Il me regarde toujours avec cette tête de niais. Pourquoi il sourit comme un débile ? J'avoue que par moment j'ai bien envie de lui coller une claque pour voir sa réaction.

-Je vais prendre deux croissants et un assortiment de minis viennoiseries s'il vous plaît.
- Et bien, tu as beau être plutôt petit et maigre tu sembles avoir un grand appétit.
- J'ai toujours été trop gourmand, c'est vraiment mon pire défaut.
- Non moi je trouve ça plutôt marrant. Tu es un mec plutôt drôle.
- Cyl, je ne suis pas un mec.
- Oh oui excuse-moi, je ne suis pas encore habitué. Je ferai bien attention à l'avenir.
- Ce n'est rien.

Le serveur m'avait apporté les viennoiseries.

Elles sont divines, il faut que tu goûtes à l'assortiment, c'est une tuerie.
- Non merci je n'ai pas très faim, fais-toi plaisir, ça me suffit.

Je me demande encore et toujours pourquoi il sourit tout le temps avec cet air niais.
Je regardais son visage souriant quand mes yeux se sont déplacés sur l'addition. Je failli m'étouffer. Après le montant des vêtements, il ne pouvait pas non plus payer tout ce que j'avais mangé. Et ça y est trop tard, le temps que je réfléchisse il était parti régler l'addition. Il a une fâcheuse tendance à me fausser compagnie pour aller payer. Il m'énerve à faire ça. Je n'ai néanmoins rien dis, je ne voulais pas le vexer, après tout c'est très généreux de sa part.

- Nous allons à l'Horloge alors ?
- Bien sûr, en plus il y a une super petite boutique à l'intérieur, avec plein d'objets magiques, si tu veux je t'en offri...
- Stop ! Pourquoi tu veux me faire autant de cadeaux ? Je n'ai rien fais pour mériter un tel comportement. Qu'est-ce que tu veux, que je te sois redevable ? Si c'est ça tu peux reprendre tout ce que tu m'as acheté.
- Mais... mais non Frigg. Pardonne-moi si je t'ai donné cette impression. Je suis maladroit. C'est seulement que depuis toujours je te vois seul. Tu ne traînes jamais avec personne et ça m'attriste. Ne crois pas que j'ai pitié de toi, ce n'est absolument pas le cas. Je veux seulement que tu te sentes moins seul. Je... j'ai l'impression que ma solitude est semblable à la tienne. Je pense que tu peux me comprendre, et que je peux te comprendre. Et n'est-ce pas en ayant quelqu'un qui nous comprend que l'on se sens moins seul ?

Je ne repondis rien. Aucun mot ne m'est venu. Je l'ai seulement pris dans mes bras.

- Merci Cyl.

Il m'a seulement serré plus fort. J'ai senti une goutte s'écouler dans mon cou. Ça devait être une larme.