Un Retour

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5. C'était incroyable ! Ce combat m'avait offert des sensations inégalables. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti de sentiments aussi forts. Je me demande même si j'ai déjà eu ce genre de sentiment en moi. À vrai dire, j'ai l'impression de n'avoir commencé à respirer que depuis ce matin. Que depuis ces seize longues années je ne fais que bouger et me déplacer dans un univers de vide ; un vide aussi bien intérieur qu'extérieur. Aujourd'hui marque le début de ma véritable vie. C'est si bête de se dire qu'il m'a suffit d'un idiot m'emmenant en haut d'une tour pour me faire vivre. Je trouve ça très amusant en réalité. Par contre, me dire que cet idiot serait Cyl, ça je ne l'aurai pas cru. Enfin je ne me serai douté de rien quoi qu'il arrive alors je ne sais pas si on peut parler de surprise. Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. J'avais déjà peu de but, et maintenant que Cyl à réalisé celui-ci, j'avoue ne pas avoir de nouveaux objectifs. Je vais peut-être me contenter de vivre le moment présent. Je ne sais pas ce que je vais faire, alors observons seulement le déroulement des événements. Je voudrai simplement ne pas être seul.

"
- Qu'est-ce que tu as envie de faire maintenant Frigg ?
- Je me pose la même question. Mais je pense que je vais rentrer chez moi.
- Oh très bien, tu veux que je t'accompagne ?

Ma langue s'est naturellement placée de sorte à ce que je prononce un refus, mais je ne dis rien sur le coup.

- Oui.

C'est tout ce que j'ai réussi à dire. D'un autre côté c'est déjà pas mal. On s'est rendu jusqu'à mon appartement. Il faisait assez chaud aujourd'hui, surtout en plein milieu de l'après-midi. Nous avons marché côte à côte, en silence, le long de l'avenue principale de la région du Centre. Nous longions le trottoir de pierres blanches. À ma gauche, il y avait Cyl ; et à ma droite une magnifique rangée d'arbres, enracinés dans la terre riche, aux côtés d'une herbe verte, et brillante. C'est une journée plutôt belle, si on ne prend en compte que la deuxième moitié de celle-ci. Je sentais le soleil me chauffer le visage. Ce n'est vraiment pas agréable. Je n'aime pas le soleil, il me brûle de sa chaleur et m'ébloui de sa lumière. L'ombre qu'apportent les arbres me permet au moins de ne pas avoir trop chaud. C'est toujours ça, mais je serai heureux d'arriver à mon appartement. Il y fait une température beaucoup plus convenable, adaptée à ce que je préfère. Nous sommes arrivés devant la porte de l'immeuble lorsqu'un homme est sorti. Il marchait d'une façon très bizarre, en faisant de grands pas, mais lents, en chantonnant d'un air joyeux. Je pense qu'il se prenait pour un chanteur d'opéra. Ce n'était pourtant pas le cas, et heureusement. Il me fatiguait les tympans à user de sa voix pour chanter, et à utiliser son souffle pour siffler d'une façon très aiguë. C'était insupportable. Non pas que sa joie de vivre apparante était déplaisante, mais si en fin de compte. Je ne sais pas qui il était mais j'espère ne jamais le recroiser, lui et sa stupide cape brune. Qui est encore assez fou pour porter des capes, et surtout par cette chaleur ?
Enfin, ce ne sont pas mes affaires. J'espère seulement que ce n'est pas un nouveau voisin.

- Bon, je suis heureux de t'avoir raccompagné, je vais peut-être te laisser. À plus Frigg.
- Non attends. J'aimerai que tu restes. Tu pourrais manger avec moi ce soir. Il faut bien que je te remercie, et crois moi je sais cuisiner.
- Oh je te crois, et je serai ravi de goûter ta cuisine alors.
- Si tu veux, tu pourras même rester dormir, mon appartement est grand. En tout cas assez grand pour deux.
- Et bien je ne sais pas trop, je ne veux pas te déranger et je ne sais pas si j'ai le droit.
- Déjà si je t'invite c'est que tu ne me déranges pas, et ensuite j'ai compris que ton tuteur était un peu comme le mien, quasiment jamais là, donc je ne vois pas ce qui pourrait t'interdir de rester.
- Tu as pas tort, mais j'hésite quand même.
- Oh aller tu me fatigues, on va pas y passer la journée, tu viens, je ne te laisse plus le choix. Tu es quasiment la première personne avec laquelle je sociabilise alors tu vas pas tout gâcher, ramène toi !

J'ai vu dans son regard qu'il était assez surpris mais amusé par mon comportement. Je ne sais pas ce qu'il y avait de si drôle mais je l'ai attrapé par la manche et l'ai tiré de force jusqu'à chez moi. On est rentré et je lui ai fais visiter un peu. Il s'émerveillait de tout. Des meubles, de la couleur des murs, des tapis, de ma décoration personnelle, tout ce qui se trouvait dans mon appartement semblait le fasciner.

- Mais il est super grand ton appartement !
- Tu trouves ? Je ne sais pas vraiment.
- Tu as trois chambres, une salle de bain, des toilettes séparées, une cuisine, un salon et une salle à manger, sans oublier le dressing, le hall d'entrée et le placard à balai donc oui, c'est grand ici. Et les meubles sont d'une beauté, et modernes en plus !
- Tu n'as pas ça toi ?
- Non pas du tout. Moi j'ai une cuisine qui me sert aussi de salon et salle à manger. Je dors dans une chambre aussi grande que ton dressing, il n'y a que le lit et une vieille lampe miteuse. Et pour ce qui est de ma salle de bain, on ne peut pas rentrer dans la douche à deux, les toilettes y sont collés et il n'y a qu'un petit lavabo avec un miroir de poche au mur. La taille total de mon espace de vie ne dépasse pas celui de ta grande cuisine.
- Oh. Je suis désolé pour toi. Si tu aimes bien mon appartement tu peux rester quelques jours, ou venir dès que tu te sens seul ou à l'étroit.
- Tu n'as jamais sociabilisé avec qui que se soit ?
- Non. Pourquoi cette question ?
- Parce que tu es bien plus généreux et sociable que la plupart des gens dit "populaires". Tu es spécial Frigg. Un garço... pardon, une personne formidable.
- Merci pour t'être corrigé. Personne ne fait attention à mon genre. Pourtant c'est important pour moi.
- Tu veux m'en parler ? Je t'avoue que je suis assez curieux sur ça.
- Ah ok si tu veux, ça me gêne pas. Pour essayer de faire simple, mon sexe biologique est masuclin, donc j'ai l'apparence d'un homme aux yeux de la société mais je n'en suis pas un. Je ne suis pas une femme non plus. Je ne suis ni l'un ni l'autre en fait, et donc on dit que je suis non-binaire. À vrai dire peu importe je ne veux juste pas qu'on me traite comme un garçon, ni comme une fille.
- Je crois que je comprends.
- Et niveau conjugaison et vocabulaire, puisque le mode neutre dans notre langue n'existe pas, tu peux accorder au masculin. Par exemple moi-même je dis que je suis heureux, et pas heureuse. Même si aucun n'est vraiment juste, le masculin l'emporte, donc je considère qu'il reste neutre. Du moment qu'on ne dise pas que je suis un homme, un garcon, une fille ou même une femme, puisque je ne suis rien de tout ça, alors tout va bien.
- Je respecterai ton genre alors. Bon, qu'est-ce qu'on mange alors ? Je veux trop goûter à ta cuisine moi.

Il m'a assez impressionné. J'ai senti qu'il s'intéressait et respectait ce que je disais mais sans être lourd ou insistant. Je suis plutôt content de m'être confié à lui. Je l'aime bien. J'espère qu'on deviendra des amis.
Je nous ai fais un de mes plats préférés, des magrets de canard aux truffes avec des morilles en sauce. Oui mon tuteur est vraiment riche je l'accorde. Et même s'il n'est jamais présent, il a des bons côtés. Déjà je suis complètement libre, tout le temps, je peux manger ce qui me plaît sans me priver. Je vis dans un grand appartement apparemment, et j'ai de la place. La seule chose qui m'a depuis toujours fais du mal, c'est de devoir rester dans la solitude. Mais maintenant que j'ai Cyl pour ami, je vois les choses autrement. C'est peut-être bête de penser ça mais je sens que je peux lui faire confiance. On ne se connaît que depuis ce matin mais il a déjà tant fait pour moi. Et je sens que ce n'est pas le genre de personne à abandonner les autres. Finalement il a été comme moi : seul toute sa vie.
Durant la soirée on a mangé par terre dans le salon, et on a regardé un film comique. Il a même failli s'étouffer de rire avec une morille. J'ai dû lui taper dans le dos pour qu'il recrache le bout de champignon. Mais c'est très bien, j'ai eu une occasion de le taper pour la bonne cause, ça défoule. On a rigolé encore et encore toute la soirée, jusqu'à tard dans la nuit. On était tout deux en train de pleurer de rire lorsque quelqu'un entra dans mon appartement. Ce n'était pas un cambriolage ou une effraction. Mais j'étais loin de me douter de ce qui allait se passer. Et je ne savais pas qui venait d'entrer dans mon appartement.

- Tu... tuteur, est-ce vous ?!
"

Les 5 Horloges du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant