Alive

SEPT

Après ce moment plutôt bizarre, je décide de faire quelque chose. Mais il faut savoir quoi. Je n'ai pas faim, pas soif, même pas envie de fumer. Il est onze heures et demi.

Je mets de la musique, et monte le son au maximum. Je m'assieds dans le canapé et me laisse emporter par la musique. Une chanson commence. Je ne m'attendais pas à l'entendre, je veux l'éteindre, mais c'est plus fort que moi, je la laisse. C'est la chanson que nous écoutions dans la voiture, ce soir-là. La dernière chanson que mes parents et ma sœur ont entendu.

C'est comme si cet accident ne voulait pas se faire oublier. Comme s'il me poursuivait, peu importe où je suis.

Quelques heures plus tard, je décide de sortir.

Dehors, l'air est chaud et il n'y a pas de vent. Nous sommes encore en été. C'était ma saison préférée, l'été. Maintenant, je n'en ai plus rien à faire qu'il fasse beau, qu'il pleuve, qu'il fasse froid ou trop chaud. Le temps passe, et c'est tout.

J'arrive au centre commercial. Ça grouille de monde, mais ça ne me dérange pas. Je me fonds dans la masse, je n'existe plus. Je marche lentement, longe les boutiques bondées. J'observe les gens, leurs sourires, leurs rires, leurs expressions ravies et détendues. Je me demande si un jour, je retrouverai cette expression...

Alors que je vagabonde, j'aperçois au loin un groupe de jeunes, réuni autour d'une table dans une cafétéria, en train de rire. Je ne mets pas longtemps à les reconnaître. Hailey me voit tour de suite. Je lui fais un signe hésitant de la main, mais elle m'ignore totalement. Je m'approche d'eux. Tout le monde est là, sauf Tyler, et Jason que je viens de voir partir. Ils ne me remarquent pas directement, mais finissent par me voir et me lancent tous des regards perplexes. Connor lève les yeux au ciel. Je lance d'une voix calme à l'intention de Hailey :

— On peut parler ?

Elle ne me répond pas. Elle se lève brusquement, et m'entraîne par le bras à l'écart.

— Tu veux quoi ? fait-elle en croisant les bras.

— Calme toi, marmonné-je. Je voulais juste m'excuser.

Elle reste silencieuse, surprise.

— Je voudrais juste qu'on oublie, pour qu'on puisse être tranquilles toutes les deux, poursuis-je.

Je sens l'atmosphère tendue entre nous. Elle ne dit pas un mot, puis lance, lentement :

— Tu nous laisse une chance, au moins ?

Elle me tend une main et je soutiens son regard pétillant alors qu'un sourire barre doucement son visage. J'hésite un instant, et prends sa main pour la secouer. Leur donner une chance, je ne sais même pas ce que ça signifie, à vrai dire.

Nous restons ainsi quelques secondes, et Hailey se redirige vers la table. Les autres me fixent, attendant qu'une de nous prenne la parole. C'est finalement Hailey qui parle.

— On oublie, on passe à autre chose.

— Donc ? fait Connor avec son air désobligeant.

— Donc elle reste avec nous.

Il ne réagit pas. Je vois Ally esquisser un sourire. Ils n'ont pas l'air de trop m'en vouloir. J'avoue que ça me surprend pas mal.

Je prends la chaise et m'assieds, hésitante. Je n'ai aucune idée de ce que je fais, ni dans quoi je m'engage.

— On va peut-être enfin pouvoir faire connaissance pour de vrai, me dit Joy en remettant en place sa chevelure dorée.

J'acquiesce lentement.

— Alors, pourquoi t'es venue à Miami ? me demande Ally.

— Je suis venue parce que je devais partir après ma sortie de l'hôpital où j'étais retenue parce que j'ai perdu toute ma famille dans un accident horrible. Vous comprenez, mes parents étaient plutôt célèbres, donc j'ai dû changer d'identité et de vie pour ne pas me faire harceler par les journalistes. Mais bon, en vrai, j'en ai rien à foutre qu'ils me posent des questions. J'en ai un peu rien à foutre de rien.

Voilà ce que j'aurais aimé dire.

— Mes parents sont partis vivre à Paris pour leur travail, et moi je voulais changer d'air. Je me suis dit que Miami serait une bonne destination.

Et voilà ce que j'ai dit.

— Ah d'accord, sourit Ally. Et alors ? T'en penses quoi ?

— Je sais pas trop encore. Il faut que je visite un peu mieux.

— On te fera visiter t'inquiète pas, dit Scott, silencieux depuis tout à l'heure.

Je lui adresse un petit sourire forcé.

— Pourquoi Tyler n'est pas là ? demandé-je pour détourner la conversation.

— On lui a proposé tout à l'heure, mais il a dit qu'il avait quelqu'un à voir absolument, on ne sait pas qui.

Je devine immédiatement que la personne en question c'était moi. Je reste muette après cette réponse. Ils continuent la discussion entre eux, et m'adressent parfois quelques regards. Ils discutent pendant plus d'une demie heure, et j'observe. J'observe leur façon de parler, leurs gestes. Ces gestes que je faisais naturellement avant, et que j'ai perdu. Je ne me sens vraiment pas à l'aise, et pourtant, je reste. Je sais que jamais je ne pourrai être amie avec eux, simplement parce qu'ils ne connaissent même pas mon nom. Mais ils sont le premier contact que j'ai avec la vraie vie depuis l'accident, et ils m'aident à me rappeler qu'après tout, tout continue. Personne ne peut me réparer, j'en ai conscience, mais peut-être qu'en fin de compte, certaines personnes peuvent rendre ma réparation moins pénible. Peut-être...