Épilogue

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— Bon, eh bien je suis là, dis-je dans un souffle étranglé. Ça fait longtemps, hein ?

Ma voix s'étouffe et je prends une longue inspiration. En m'asseyant à même le sol, je passe des mains tremblantes sur mon visage. Les yeux posés sur les trois tombes devant moi, je sens ma gorge se nouer. Est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ? Parler à trois blocs de pierre me soulagera-t-il vraiment ?

— Désolée, bafouillé-je, j'ai mis du temps à venir. Je... Je ne savais pas encore ce que je voulais dire. Enfin, en vrai, je ne sais toujours pas, mais bon, je crois que c'est quand même le bon moment.

Je souris tristement, passant mon regard sur les noms qui se dessinent sur les plaques comme des cicatrices. Susan Hopkins, Paul Hopkins, Sarah Hopkins. Si j'avais dû écrire en dessous les mots qu'on trouve parfois en hommage à ces personnes parties trop tôt, je me demande ce que j'aurais gravé.

Je baisse les yeux sur les fleurs du bouquet que je triture du bout des doigts.

— J'ai même amené des fleurs, ajouté-je en les agitant comme s'ils pouvaient les voir. Enfin, peu importe.

Je ne parviens pas à reposer mes yeux sur leurs noms silencieux, et prends un temps avant de poursuivre, pouffant avec ironie.

— Je suis un peu cliché, je crois. Je viens parler sur vos tombes avant de partir à l'aventure, comme pour clore un chapitre, tourner la page. Alors que j'aurais pu venir ici depuis des mois. Ça fait plus de six mois que je suis rentrée, et pourtant...

Je m'interromps, la poitrine douloureuse. Je n'ai pas osé venir avant aujourd'hui. Je pensais pourtant le faire dès mon retour, et que cela allait signer le début de ma guérison. J'ai encore été à côté de la plaque. J'ai eu beau fait d'infinis progrès pendant ces longs mois, jamais je n'ai encore eu le courage de les confronter directement.

En sentant les larmes brouiller ma vue, je les essuie d'un revers de la main et pousse un long soupir.

— Mais je suis fière de réussir à venir aujourd'hui. Je n'ai plus peur, maintenant.

Un sourire ému au coin des lèvres, je poursuis.

— Je ne sais pas si vous m'entendez de là où vous êtes, mais j'ai envie de croire que oui. Alors je vais parler. Je ne vais pas tout vous raconter, je ne crois pas que j'en ai besoin. Vous avez dû m'observer, de toute façon, non ?

Un sanglot se noue dans ma gorge, et je crispe les doigts sur ma poitrine. D'un geste hésitant, je disperse les fleurs sur chacune des tombes, le cœur battant la chamade, des tremblements difficilement répressibles secouant mon corps.

— Je voulais juste vous dire que ça va aller, soufflé-je. Ça va aller parce que beaucoup de gens m'ont aidée, et parce que j'ai grandi. Parce que je me suis rendue compte un peu tard de toute la force que vous m'avez donné.

Je marque une pause, les poings serrés.

— Je crois que je préférerais toujours être avec vous, avoué-je. Ça me soulagerait toujours, ça serait toujours le plus facile. (J'inspire.) Mais je ne dois pas choisir la facilité. Je dois vivre. En vôtre mémoire, mais pas que. Aussi pour moi, parce qu'après tout ça, je veux enfin bien croire que je mérite de vivre. (Je souris, les larmes coulant doucement sur mes joues.) Je crois que je ne l'ai jamais dit à voix haute. Ça fait du bien, murmuré-je.

Je ramène mes jambes contre moi, posant mon menton entre mes genoux en me recroquevillant fermement. Je pleure, mais n'essaie pas de masquer mes larmes. Le fait que mes émotions sont de nouveau réelles est sûrement une des meilleures preuves qu'ils n'ont pas à s'inquiéter.

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