VINGT-SIX

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Je ne réponds plus de rien. Mon cœur bat si fort qu'il résonne dans mon crâne, ma respiration saccadée n'arrive pas à se calmer, et mon crâne ne m'a jamais semblé plus lourd. Je n'attends pas une seule seconde pour foncer dans la foule de lycéens, et me frayer un chemin jusqu'à la route. Je cours à perte d'haleine jusqu'à l'arrêt de bus, et saute sur celui que je sais s'arrêter à l'aéroport.

Le trajet dure vingt minutes mais me paraît durer une éternité. Plus les secondes passent, plus le temps s'allonge, et plus j'ai peur. En moi rugissent des émotions que j'ai longtemps fait taire, et cette fois, je n'essaie plus de les ignorer. Elles me submergent, m'étouffent, mais je me sens vivante. Observant les trombes d'eau s'écrasant au sol et reflétant la lumière, j'ai l'impression de voir ma propre vie en accéléré. Je me répète tout, je revois toute la relation que j'ai créée avec April, tout ce que j'ai ressenti depuis ma rencontre avec elle, et depuis notre séparation au moment où ma vie s'est brisée. J'ai voulu faire comme si, moi aussi, j'étais morte dans cet accident. J'ai voulu écarter tout ce qui pouvait me rappeler que je respirais encore, comme si je ne le méritais pas. J'ai éteint la lueur de vie qui brillait encore, tournant le dos à toute mon existence. Je pensais que revoir April me replongerait dans ce qui doit être révolu, mais je pense que j'avais tort. Car à cet instant, je n'ai jamais autant eu envie de retrouver ma vie.

C'est grâce à son souvenir que j'ai pu prendre conscience du mensonge dans lequel je m'enfonçais. Parce qu'elle était là, dans ma tête, encore vivante, encore présente, que je ne pouvais pas dire au revoir à Angie. En revoyant Matt, j'ai rouvert cette faille que je pensais fermée à tout jamais. Et lorsque j'ai accordé ma première pensée à ma meilleure amie, j'ai scellé mon sort. C'était écrit, depuis le début. J'aurais dû me douter que je ne pourrais pas l'éviter, j'aurais dû savoir que je ne pouvais pas rayer la seule chose qui signifiait encore quelque chose. Elle est l'unique personne qui peut me rattacher à la réalité, je le sais. On s'est promis de ne jamais se quitter. J'ai été naïve de croire que je pouvais briser cette promesse.

Dès que le bus s'arrête et que je reconnais la structure de l'aéroport, le temps s'arrête. Je me revois en sortir il y a exactement un mois. Et aujourd'hui, je fais le chemin inverse. Je reviens en arrière, je retourne à mon ancienne vie. Et je pourrais le regretter, je pourrais vouloir partir en courant, je pourrais vouloir tout arrêter à cet instant. Mais mes jambes ne s'arrêtent pas, et mon cœur non plus. Je suis terrifiée, mais c'est plus fort que moi. Je sais que c'est ce que je dois faire, que je le veuille ou non.

Et, honnêtement... c'est ce que je veux.

Je ne peux plus reculer, et je n'en ai même plus envie. Plus rien ne compte à présent, juste April. Et une fois que je la verrai, tout rentrera dans l'ordre, tout retrouvera son sens.

Je pousse la grande porte d'une des entrées de l'aéroport, et m'oblige à m'arrêter pour reprendre mon souffle. Je pose mes mains sur mes genoux, je prends de profondes respirations, et dégage mes cheveux collés à mon visage trempé. Je ne ressemble à rien, inondée par la pluie, et chacun de mes pas est alourdi et retentit dans ma poitrine. Je ne m'arrête pas pour autant. Je marche, cherchant du regard le panneau indiquant les arrivées. Et je le trouve. Alors, face à l'énorme flèche qui m'indique la direction vers April, je me paralyse. Je suis tétanisée, incapable de bouger, parcourue d'une infinité de frissons glacés qui remontent jusque dans mon crâne et hérissent tous mes poils. J'étais grisée par l'adrénaline jusqu'ici, et je viens de retomber avec violence sur Terre. Je viens de prendre conscience que je suis sur le point de faire face à la réalité, et que je vais me prendre de plein fouet ce que j'évitais depuis des mois. À cet instant, l'angoisse me prend aux tripes et mon ventre se retourne. Je plaque ma main sur ma bouche en serrant les paupières, le souffle coupé. Non, je ne dois pas hésiter, plus maintenant. J'ai peut-être terriblement peur, mais c'est une peur qui doit se transformer définitivement en détermination. Je ne dois plus ignorer les émotions qui font de moi Angie Hopkins, je dois les accueillir, parce qu'elles me donnent la conviction que je suis toujours en vie.

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