DEUX

19.2K 1.2K 224
                                    

Je marche en traînant ma valise derrière moi en direction de l'arrêt de bus qui est censé m'emmener chez moi. Je regarde autour de moi, observant la ville. Il fait chaud, il y a du soleil, et les gens marchent sans se retourner sur mon chemin, sans me fixer comme une pauvre bête. Je suis enfin libre, et anonyme. Personne ne me connaît, personne ne connaît mon histoire.

Le bus arrive, et je monte en mettant la musique dans mes oreilles. Je regarde dehors durant tout le trajet, sans vraiment m'attarder sur le paysage. Je me demande ce que ça va être au lycée. Je vais faire ma rentrée comme étant la nouvelle, l'inconnue qui ne parle pas, c'est sûr. La rentrée, c'est dans une semaine. Je vais entamer ma dernière année de lycée, sans savoir quoi faire plus tard. Je me sens un peu nulle pour ça, un peu nulle pour la vie. Et paumée. Je n'ai plus de motivation pour rien. En fait... je ne sers pas à grand chose. Je suis là sans être là, juste un humain de plus sur Terre. On m'a déjà dit que les pensée négatives m'étaient néfastes. C'est drôle, je ne vis que de ça, et pourtant je suis encore là.

Je soupire, puis le bus s'arrête. Je descends en vérifiant l'adresse sur mon portable. C'est tout près. Je continue le chemin en marchant. Ce sont plusieurs appartements, et le mien est celui au dernier étage. Il est bien placé ça c'est sûr. La mer en face et le centre ville juste à côté...

Je monte les escaliers en silence, et ouvre la porte. Je reste bouche bée.

Cet appartement est immense. Il est magnifique. Assez moderne et épuré, de grandes baies vitrées s'ouvrent sur une terrasse et un balcon avec une vue directe sur la mer. Tout est incroyablement grand et lumineux. J'en reste sans voix. Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire seule ici ?

Le soir venu, je me retourne dans mon nouveau lit, et cherche une bonne position pendant environ trente minutes avant de parvenir enfin à m'endormir.

Enfin, si on peut appeler ça dormir. Je me réveille d'un coup en sueur de mon lit, et en respirant difficilement. Je viens encore de faire ce cauchemar. Mon pire cauchemar, que je fais presque toutes les nuits, et qui me hante depuis cette nuit, qui repasse en boucle dans mon esprit, comme une torture incessante.

Je me lève en m'essuyant le front et vais prendre un verre d'eau dans la cuisine. Je reste là quelques minutes, mes mains trempées sur le visage.

Il fait nuit. Bien nuit. Et je peux voir la mer par la vitre qui mène à la terrasse. Je vais donc prendre un paquet de cigarettes sur la table à manger, et sors.

Je sens l'ai frais de la nuit me caresser doucement le visage, et je m'accoude au bord du balcon en sortant une cigarette. Le silence m'enfonce dans une torpeur nocturne à laquelle je suis habituée, mais le son des vagues la rend moins tiraillante. Peut-être qu'à force d'écouter la mer, je me noierai moins dans mon esprit.

J'observe la mer douce et calme, reflétant la lune et les étoiles. Le point de lumière au bout de ma clope illumine le bout de mes doigts frigorifiés, et je me perds par moment dans la contemplation de la fumée qui s'envole. Tout simplement. Et pendant quelques instants, je ne pense à rien.

*  *  *

Une semaine est passée, et aujourd'hui est la date fatidique de la rentrée.

Je me suis préparée en quelques minutes, et quelques minutes plus tard, je descends la rue de mon appartement en fumant pour prendre le bus. En y pénétrant, je bloque instinctivement ma respiration, retrouvant avec brutalité un quotidien de lycéenne que j'avais enterré depuis longtemps. Des dizaines de jeunes de mon âge se bousculent, et ne font pas trop attention à moi. Je suis Malia Fields ici, et je vais devoir m'y habituer.

AliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant